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Poésie par la fenêtre

24 mai 2012

Malouf

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Ce soir il descendait en ville

En longeant la voie ferrée

Pour s’asseoir sur un banc

En face des immeubles

Tous les hommes du foyer

Tirent leurs soixante-dix ans

Entre la chambre et le hall

L’arrière de la banlieue

Loin derrière les cités

Cerné des zones commerciales

 

La vallée de la Seine fabrique des autos

Et des hommes qui marchent

Sous le pont vers la ville

Dimanche après dimanche

Les jours de la retraite


Résonne sous le pont

Chaque pas de l’exil

 Si les hommes ce soir

Marchent pour traverser

Le pont du chemin de fer

Les portes du désert

Ils s’arrêtent sur un banc

En face des immeubles

 

Ce soir il descendait en ville

Oh, Mantes-la-Jolie!

Le printemps sur la Seine

Quel temps fait-il ce soir?

Ecoute le Malouf

Au seuil de Constantine  

© JPR G. le 25 mai 2012 

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22 mai 2012

Le marque-page


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Les livres s’ouvrent seuls  aux pages où l’on s’apaise

Ils disent quel fardeau sombre aux remous de la Loire

Toutes les idées de l’ombre le long de la rivière et sur le bois flotté

Les livres savent le sommeil de l’ivrogne

Ils disent quel fardeau s’engloutit dans le vin

Mais

Les livres s’ouvrent seuls sur ce qu’il faut d’oubli

Laissez-moi lire dans le vôtre

Laissez-moi lire dans vos mains

Sous les toits de Verlaine dans le demi jour

Notre lit sous la lune, éclairé de soleil

Je perds le marque-page entre les feuilles vierges

Qu’importe !

Les livres s’écrivent seuls si l’on regarde bien

Les jeux dans la lumière aux reflets de la Loire

La chaleur de juin, un matin, mon bras contre le vôtre.

 

 

© JPR G. 24 mai 2012

22 mai 2012

Orage

 

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Nous marchons tu le sais entre deux longues colonnes d’orage

C’est pourquoi j’invite l’oiseau à m’apprendre sa chanson

C’est pourquoi je prolonge chaque hirondelle de son sillage dans le ciel

Je change la couleur à chaque hirondelle

Par la chanson de l’oiseau je murmure à ton intention des paysages

impossibles à voir sans être perché sur les peupliers  et qui changent à l’aube

Avant de rouler dans l’herbe, je murmure les jeux dans le pré,

bouton d’or sous le menton, coq, poule, poussin,


Nous marchons entre deux longues colonnes d’orage,

Leurs nuées prennent le souffle au sommet de la côte

Vite, suivons les vols, la couleur au plus près du sol

Vite, fermons dans la remise tout ce qui coupe, blesse, frappe

Il est trop tard pour gagner la rivière, les baigneurs cherchent un abri

Il est trop tard pour les rejoindre, fais leur signe, au moins


Nous marchons tu le sais entre deux longues colonnes d’orage

Ne presse pas le pas

Est-ce l’oiseau blessé qui bat de l’aile, est-ce l’aile qui bat, est-ce le vent ?

Couchons-nous sur le pré, sous l’arbre, où il ne faut pas

Par la caresse de l’oiseau contre nous serré je te montre un paysage

On ne le voit que de très haut qui perce les nuages

Tous deux dans le soleil, le ciel bleu dans le dos

L’oiseau là-bas sous l’arbre entre deux sacrifices


Mais les baigneurs reviennent et les jeux dans le pré

Je suis comme toi l’herbe foulée, le peuplier, le chant de l’oiseau

Je suis la terre comme toi après l’ondée, le murmure et la source

 

© JPR 23 Mai 2012

17 mai 2012

Attente


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J’ai effacé mes refuges pour aller de l’avant

Tous leurs chemins étaient bordés de parole

Je ne pouvais plus entendre la fontaine raconter mon histoire

de quel droit ?

Ni les innombrables pies, autant de querelles

Quelques moments de bonheur brillent dans l’herbe

Il faut les protéger, ces oiseaux en feraient leur butin

Parfois, quand les arbres têtards traversent le paysage

A haute vitesse

Il me faut m’assurer que c’est bien toi à mes côtés

Et non l’une de mes ombres

La vie alors ne serait qu’un petit lac bordé de saules

Au fond d’une vallée peuplée de bêtes mornes

Des chevaux à la retraite en attente du couteau

Des amoureux tressant leur corde avec des cheveux

J’y tournerais en vain pour accueillir la mort souveraine

Celle qui passe avec les corbeaux, certains soirs.

 

 

© JPR . 22 mai 2012

12 mai 2012

Nocturne


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La nuit, aux fermes, les chiens du plus proche au plus lointain

mâchent leur morceau d'obscurité

Ils donnent sa profondeur au sommeil des inquiets

Aveugle, l'un de ces enragés  a remonté les chemins en hurlant aux orages,

à chaque orage, pendant des mois

Sur la fin, dur d'oreille, il gueulait par principe et pour faire son travail

Nous étions dans la montagne, il était notre seul gardien

Qui l'avait placé là ?

Il tenait à distance les hommes de passage

Cessez de gémir en remontant les couvertures

Souffrez qu'ils cherchent un abri auprès des autres hommes

J'ignore leur nom, j'ignore aussi le nom de mon voisin

La mort a plus de discipline, elle est remplie de gens connus

La nuit, les chiens, redevenus sauvages, cassent des os et grognent vers le monde

En tous sens

C'est l'heure où l'on se retourne pour chasser des pensées

Et tâter dans le lit pour savoir si la place est occupée.

 

 

© JPR 21 mai 2012

 

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11 mai 2012

L’espoir d’un récit


 

 Eté 2006 Ile Grande 009

 

 

J’ai quitté la nuit en fermant les yeux

Le rêve poursuivi m’indiquait la frontière

Nul besoin de flambeau

J’étais mon propre guide

Toute ma vie j’attendais que ma vie commence

Quand enfin je me laissai guider d’instinct

Ce pays m’offrait, tranquille.

Du temps, des espaces et le silence

Rien qui s’oppose à la pensée

Que la pensée elle-même

Ici, il faut avoir son sac tout près

Puiser une idée de loin en loin

S’examiner l’examinant

Alors, se dire poète, c’est beaucoup trop

Mais attacher quelque symbole personnel

Au circaète, à la buse, au milan

C’est s’assurer à suivre leur vol

Du retour d’un songe précis

Solitaire indifférence de l’oiseau

Rudesse du paysage

Les ailes emportent une vapeur de songe

J’y dépose l’espoir d’un récit

Des bribes d’existence s’y rassemblent

Mais l’oiseau poursuit son ascension

Sous son regard, le point fixe d’un monde.

 

© JPR mai  2012. L'espoir d'un récit a été publié en janvier 2012 par la revue Champ Secret. 

11 mai 2012

Vos yeux sur cette page

  

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A Andrée, lectrice discrète et slameuse affirmée

"Tu es revenue, Andrée, lire par dessus mon épaule quand je croyais les portes closes. Je ne sais de toi que cette lecture et le goût des mots, quand ils crient pour de bon".  

 

Ah, nuit constante et froide

Rien ne se discerne au dehors

Qu'une lampe entre deux maisons vides

Le regard vers l'été retrouve l'intérieur

Je parcours mes ténèbres en un monologue

A quel carrefour fallait-il bifurquer

A quelle station changer de ligne

Je longe une série de blocs

Où nous avons respiré

Enfance, jeunesse, déjà l'âge d'homme

Plus loin, plus loin, toujours le même

Voici l'étage et je me souviens

Ah, nuit constante et propice

Donnez-moi un guide

Vos yeux sur cette page

 

© JPR mai 2012

10 mai 2012

Valse au poisson rouge


Photo du 36187924-05- à 10



Ou bien tu restes dès ce matin

Ou bien tu pars si tu reviens

Tu auras choisi mais choisis bien

J'peux pas devenir ton quai de gare

J'peux pas t'attendre dans les placards

De tes envies, tes soucis, tes petites nuits

Tes chagrins sous la pluie

 

J'veux pas devenir au carnaval

Ton ramasseur de confettis

Je veux pas tenir ton carnet de bal

Toucher ton corps en graffiti

Faire le poireau tous les samedis

Prendre racine et m'effeuiller

Dans les jardins de l'ennui

 

Tu vois cette valse tourne à l'envers

Quand j'aurais soldé nos affaires

Racheté mon temps à tes enchères

Il faudra bien que je te quitte

Il faut savoir à qui profite

Le tour de valse dans un bocal

Ton poisson rouge tient la corde

Pour finir au canal

 

Tu ferais mieux de t'en aller

Il n'y a plus rien à glaner

Un peu de soi dans un meublé

Nous deux c'est un fonds de musée

Dans une ville de province

Un cabinet de curiosités

Fermé même le dimanche

Et pour l'éternité.

 

© JPR 17 mai 2012



 

 


9 mai 2012

Devant la poste

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Devant la poste, il y a une boîte

Un couvercle en plastique

Avec des pièces dedans

J'en entends sur cette boîte

depuis toujours

T'approche pas de la boîte

C'est d'un voleur d'enfant

Ne donne rien

Regarde-moi ces fainéants

Pas un sou

Il faut d'abord changer le monde

 

Au-dessus de la boîte,

Il y a des godasses

Avec des pieds dedans

Et des chevilles aux couleurs louches

Je veux dire qu'elles ont eu froid

Et mal, assez souvent

A propos de la boîte

Les dames de la messe et puis

tous ces messieurs donnent

De temps en temps une petite pièce

Et un gilet, ou quelque chose,

Qui ne sert plus

 

Au dessus des chevilles, il y a une barbe

Avec un homme dedans

Une barbe qui se marre et qui rit dans sa barbe

Seulement voilà

J'entends depuis longtemps

Avec cette misère, plus tu donnes

plus ils viennent

C'est comme les chats errants

Et puis comment savoir qui vraiment

fait semblant

 

Dans l'escalier de la poste

La boîte, les godasses, les chevilles

La barbe qui rigole, avec un homme dedans

Il faudrait que ça circule

Que ça s'en aille dans les terres

Où ça veut, en enfer

Mais pas sur le front de mer

Autant en emportent les bleus

Comme dit l'arrêté de Monsieur le Maire

 

Parfois je parle avec l'homme à la barbe

dont j'ignore le nom

Il faudra que je lui demande, c'est ça qui est urgent

son nom

Il raconte des galères, l'air de rien

J'ai sa voix, là, et toi aussi tu l'as

Une voix de cigarette, une voix de rouquin

qui demande du pain

Une voix qui se lève dans le froid

Je ne connais pas ton âge, tu ne connais pas le mien

Toi et moi on a toujours entendu cette voix là

 

Bien sûr, une petite pièce, un gilet, quelque chose

Quand je le vois assis, à attendre sous la pluie

ou plein de fièvre parfois

Je nous vois tous assis, à attendre

Comme dans cette histoire, bête comme six

Sûrs de la catastrophe

Sans saisir le manche de la cognée

Qu'est-ce-qu'on attend ?

 

 

© JPR G. 13 mai 2012

 

 

 

8 mai 2012

J'irai à Rumelihisar

TALAT

 

J'irai à Rumelihisar, Orhan Veli, pour te voir

Sur le Bosphore où tu reposes

Sur ta tombe que j'imagine simple

Mais dont je dessine les ornements en pensée,

je déposerai ce poème

en souvenir du pêcheur sicilien

que je suis devenu, en fredonnant un vers de toi

Chaque matin, à cinq heures précisément

je pense à Istanbul, je pense à toi

J'écris en vers libre ce que me chante l'arbre

 

Dans ses feuilles l'arbre et les rires des femmes

et les rivières cachées dans le val

et l'oiseau de proie entonnent le silence

Ce qui est, ce qui n'est pas

L'écho du vide sous les voûtes de ponts

des rires mais personne sur la route

peut-être à la maison d'en face où vivait un poète

 

J'irai à Rumelihisar, Orhan Veli

Nous délivrerons ensemble la flamme du raki

Près de toi, moi aussi, je mourrai sans rien dire à personne

De retour à Paris, je porterai ce murmure

venu de tes poèmes

 

Voici ma main qui tremble, voici mon regard en dehors du regard

Voici mon souffle coupé, voici les courbes, les corps

En chaque chose le simple

Mais dont je dessine les ornements en pensée

Voici un vers d'Orhan Veli

 

« Tel est exactement mon boulot

Chaque matin je peins le ciel

pendant que vous dormez 

 

© JPR G. le 10 mai 2012           

 

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