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Poésie par la fenêtre

30 décembre 2012

Ici là-bas

 

 

C’est la ville de nuit
Oui, la ville d’hiver
Après le cinéma
Je suis seul par la rue Grande
Cela pense sans y penser
Bien nous sommes bien
La pierre se révèle sous la lune
L’ombre souligne un trait de granit
Sous l’éclairage public
Nous sommes bien
Votre présence et mon pas
Solitaire mais inscrit parmi les hommes
Parmi les hommes de pierre
Leur cœur bat ici sur le grain des façades
Dans la vieille ville de nuit
Au jour au creux de leurs mains, solides.

 

 

© jpr 30 décembre 2012

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29 décembre 2012

Rencontre

Treize minutes encore, ce jour aura cessé de vivre
Qu'aurai-je trouvé aujourd'hui parmi les mots?
Qu'aurai-je regardé?
Une araignée je crois m'a examiné
Moi j'observais l'araignée
A quoi ressemble un homme vu par ces yeux là?
A quoi ressemble une araignée que regarde un homme?
Nous en étions tous deux stupéfaits et sans réponse
Tous ceux qui ont tenté l'expérience le savent
Si vous ne l'écrasez pas, l'araignée vous enseigne le temps
Sous la sandale des puissants, des immédiats, des sans-pitié
Il y a plus qu'un peu de sang et de chitine
Il y a ce dont le monde souffre, c'est d'ignorer le temps
C'est de vouloir le voler, le réduire à la capture, à la destruction 
C'est le désespoir des brutes: anéantir pour exister, et l'on n'existe pas
Trois minutes encore ce jour aura cessé de vivre
Mais l'araignée poursuivra son oeuvre à petits points de fil

 

© jpr 29 décembre 2012

 

28 décembre 2012

Longue patience


J'ai rencontré hier un homme discret
Il travaillait le bois de palissandre
Le bois l'avait travaillé
Ses mots, touches noires, touches blanches
Jouaient des mélodies
Ebène de Macassar, bois de violette
Ronce, loupe
J'aurais au fond du coeur autant de silice
Tant de petits noeuds serrés d'avoir poussé entre les cailloux
Autant de dureté si je ne t'avais pas connue
Autant de dureté que le bois dur qu'assemblent doucement
Les mains de cet homme là
J'entends, j'entends l'orgue de table
Bien avant la musique j'entends le travail
Je vois, par les copeaux, je sais, par les odeurs de colle chaude et de vernis
Ce qui vraiment survit
La longue et savante patience qui prolonge l'homme
Au coeur du bois noué

 

 

 

© jpr 28 décembre 2012

27 décembre 2012

On se captive mieux

Aujourd'hui pas de poésie
Les arbres sont des arbres
Les fleurs sont en vase
Le canal va de Nantes jusqu'à Brest
Ni brumes, ni ombres, ni pluie fine
Jour laiteux
Pas de passant sur la promenade
En revanche, je m'attarderais bien sur cette ligne sombre qui souligne vos yeux
Ce début de sourire, je voudrais, au moment où il naît, le peindre
Mieux, j'aimerais près de vous m'attarder, suivre votre regard
On se captive mieux, sans poésie
Les femmes sont des femmes
La force, la douceur et le temps sont enfin libres, ensemble

 

 

© jpr 27 décembre 2012

 

 

 

 

25 décembre 2012

Regards

 

 

Il me faut revoir la mer annonce l’homme libre à son chien
Un tour de quartier les voici sur les docks
Lui grille une cigarette
Lui flaire le danger. Au-delà des hangars, c’est le large.
J’aimerais comme eux avoir le poumon marin, le pied terrien
Trente ans à savoir s’il faut embarquer c’est trente ans  à rêver
Mais combien de chiens ?
Un jour goudronneux par les nuages autant que sur les grues
Un jour à tresser de la corde, à rechercher pour usage interne les armes cachées
J’irai au Havre. Je demanderai si l’on a vraiment atteint l’hiver
Si oui, je chercherai la bonne vague.                                                                                         
Allons, dit l’homme au chien, gardez un pied sur le quai
Regardez ce qui roule entre ciel et estuaire
N’est-ce pas plus fort, chaque jour un regard, chaque jour un départ ? 

 

 

© jpr 25 décembre 2012

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23 décembre 2012

Je me méfie de ceux qui partent

 

Au méfiant

 

 

Je me méfie de ceux qui partent avec pour seule boussole                                    
"Je ne m’en vais pas pour  très longtemps je reviendrai bientôt"
Ceux qui partent avec nos cœurs avec nos colliers de fleurs et leurs boîtes à chapeau

Ceux qui  emportent nos reflets dans leurs petites têtes d’oiseau
C’est vraiment jamais les mêmes  même s’ils reviennent
On entend des chants tristes dans leurs airs de piano, ils sont vides ils sont perdus, ils restent ailleurs

Je me méfie de ceux qui partent
Je me méfie de ceux qui disent
On se revoit sur la place
Ils oublient souvent quelle place, 
Après quelle vie dans quelle gare
Dans quel couloir dans le noir de quelle histoire

 
J’ai peur de ceux qui s’en vont
De l’hôtel des vagabonds
Peur des chagrins de voyage
Peur des oiseaux frileux
Allez vous faire prendre ailleurs
Par le silence moi j’ai le mien
Qui se meurt d’ennui là-bas tout seul sur son poteau

Je me méfie de ceux qui restent
Dont je suis de ceux qui restent
Qui tisonnent au coin du feu
Qui frissonnent sous les nuages
Au moindre cri des migrateurs
Ils battent des ailes
Ils battent des ailes
Ils battent des ailes.

 

© jpr 23 décembre 2012

 

 

22 décembre 2012

Adieu toi-moi

 

 

 

Adieu toi-moi qui regardes la rivière en écoutant du Satie
Ce qu’apporte la poésie dans le paysage, flotte au gré des courants sur la Seine
J’aime ces images gravées, ces dessins de Doré, où je vous reconnais
J’aime entrer dans les décors, retrouver toute époque et mon chien revenu
La berge me suffit pour une métaphore de la vie
Marcher sur la rive et observer le fleuve, vivre dévisager la vie sans s’y comprendre vraiment
Ici l’on desserre les étreintes, celle du temps aussi, toutes époques confondues
Ainsi restent la séduction la mort petite et grande l’adieu la longue course ensemble vers la lumière du jour
Ainsi toutes mains tendues, le mendiant, le mourant, l’amant réclament encore un sou, un instant, un amour
Adieu toi-moi qui écoutes du Satie toutes les pensées se rejoignent à l’exil
Ce qu’emportent les heures je le retrouve intact dès que vient cette musique

 

 

 

© jpr 22 décembre 2012

 

21 décembre 2012

C'était bien

C’était bien.
Il y avait des femmes et des hommes
Ils allaient leur chemin
Simplement, avec leurs habitudes
Avec leur soucis, avec leur joie
Avec leur fraternité
C’était bien
Un pays attentif et solidaire
Plein d’émotion

C’était bien

Maintenant depuis les trains, je vois passer le paysage
Les forêts, les villages, les maisons de granit
A chaque passage, à chaque aiguillage
Je pense à toi, je pense à vous.

 

 

20 décembre 2012

Guérir de l’ennui

 

 

 

On peut, avec une simple limace, guérir de l’ennui
C’est simple, mais il faut réunir avec soin les ingrédients :
Une limace, une lune montante, une épaule gauche, l’ennui, un béret
A la lune montante, donc, il s’agit de frotter l’ennui
Avec la limace.
Si vous ne savez pas de quel côté se trouve votre ennui
Posez l’animal sur votre menton
La face de limace avec laquelle on frotte n’a pas d’importance
La limace s’en fout, l’ennui n’a guère de sens, non plus que le béret
Jetez ensuite la limace par-dessus votre épaule gauche.
Surtout, ne regardez pas où elle tombe
Parfois elle tombe sur des gens. On l’entend.
Parfois elle tombe à plat, ça se voit
Vous ne regardez pas.
Désormais, vous êtes sur la voie de la guérison
N’avez-vous pas, durant cette manœuvre, oublié de vous ennuyer ?
Il reste sur votre tête, le béret. Enfoncez-le profondément.
Vous croiserez sur votre route des gens. 
Sans doute sont-ils en train d’apprendre à rire
en voyant passer un type à béret.
Saluez-les, civilement.

 

 

 

 

© jpr 20 décembre 2012

 

19 décembre 2012

Avatars

 

 

 

Demain la maison sera vide
Je serai bien le seul à me souvenir
Ici vivait Jean-Paul Raffel
Vous tous dont je croise les doubles
Etes-vous certains de vos autres toi-même?
Nous danseurs sans miroir, lui alpiniste, elle chanteuse à boa
Elle encore, boxeuse pieds-poings, à mains nues
Vous funambules, enfin, vous présentez au matin
Version tailleur, costume et cravate
Et personne n’y croit, et chacun pourtant Est.
Avatar
Ici vivait Jean-Paul Raffel
Amis de vos ombres en nos jardins discrets

 

 

 © jpr 18 décembre 2012

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