J'irai à Rumelihisar
J'irai à Rumelihisar, Orhan Veli, pour te voir
Sur le Bosphore où tu reposes
Sur ta tombe que j'imagine simple
Mais dont je dessine les ornements en pensée,
je déposerai ce poème
en souvenir du pêcheur sicilien
que je suis devenu, en fredonnant un vers de toi
Chaque matin, à cinq heures précisément
je pense à Istanbul, je pense à toi
J'écris en vers libre ce que me chante l'arbre
Dans ses feuilles l'arbre et les rires des femmes
et les rivières cachées dans le val
et l'oiseau de proie entonnent le silence
Ce qui est, ce qui n'est pas
L'écho du vide sous les voûtes de ponts
des rires mais personne sur la route
peut-être à la maison d'en face où vivait un poète
J'irai à Rumelihisar, Orhan Veli
Nous délivrerons ensemble la flamme du raki
Près de toi, moi aussi, je mourrai sans rien dire à personne
De retour à Paris, je porterai ce murmure
venu de tes poèmes
Voici ma main qui tremble, voici mon regard en dehors du regard
Voici mon souffle coupé, voici les courbes, les corps
En chaque chose le simple
Mais dont je dessine les ornements en pensée
Voici un vers d'Orhan Veli
« Tel est exactement mon boulot
Chaque matin je peins le ciel
pendant que vous dormez .»
© JPR G. le 10 mai 2012