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Poésie par la fenêtre

3 juin 2012

Grimper dans les vieux arbres

 

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Lorsque tu grimpes dans des arbres âgés de huit cents ans

J’en connais

Tu pèses moins qu’un passereau

Mon corps faisait la sieste à l’ombre d’un géant

J’y retrouvais la côte de Bretagne

Elle me manque beaucoup en ce moment

Avec toi nous étions dans le même instant

Sur des branches basses et suivant du regard

Un couple de cygnes en plein vol

A remonter la Seine, devant la Collégiale

Tu me fis remarquer les deux reflets fidèles

Celui du chêne, celui de la cathédrale

Nous y étions perchés aux mêmes places inversées

C’est toi qui eus l’idée de sauter de l’une à l’autre

Depuis, à ma guise, je me projette

Le moindre élan m’emporte

Vous me croyez ici, à entendre vos plaintes

Allez voir sur la plage devant le Guilvinec

Le marchand de chichis

Allez voir où s’écrit l’anankè

La main sur l’inscription

Allez voir l’âge d’Homme

Qui serait le modèle?

Allez voir toutes les cachettes

Quand nous dormons ensemble

J’y suis

Et devant vous aussi

Les arbres âgés de plus de huit cents ans

Apprennent aux plus jeunes

La vie des passereaux

La vie des passereaux, à l’infini.

 

 

 

© JPR 4 juin 2012

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2 juin 2012

L'été pour toujours aboli

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 Le soleil annonçait une saison indienne

La forêt voulait des teintes fortes, puissantes et tranchées

Entre bacchanale et mélancolie

 

Selon la lumière, je posais sur la colline

Des regrets ou l'envie d'avancer

Nous n'avions pas conscience du vent léger

Ni des odeurs de fruits chauds

Un parfum de maturité emportait la campagne

Les poires au pied des poiriers

Les guêpes saoules, du raisin , des dahlias aux jardins

Le paysage était à la récolte

 

Quand vers six heures, une bourrasque

L'instant d'après une pluie battante

Coururent dans la vallée

Ce fut la bascule d'été à la rupture entre ensilage

Mise en cuve, en grange, à la cave, à l'abri

 

 Je me souviens de deux hommes qui fuyaient

L'un tenait son béret et cherchait à s'abriter

L'autre sur un vélo, courbé contre les rafales

Luttait.

 

Il était six heures, je m'en souviens

L'été soudain se déchirait, la nuit venait avec l'orage

Au bord de la route, à notre hauteur

Mais derrière la vallée

Nous regardions l'eau s'abattre en vagues sur l'ubac

L'instant d'après, l'instant d'après

Partout l'herbe, le goudron, les châtaigniers fumaient

 

Le soleil revenu, nous avions tous deux

La conscience du bonheur, les pieds et les cheveux mouillés

Dans l'été pour toujours aboli.


©  JPR juin 2012

 

 

1 juin 2012

Escales

 

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 Crédit photo DB: Finalement la mer...

 

 

Tu sais marin, c’est au-dessus de mes forces

Raconter chaque vague n’est pas si évident

Chaque port raconter, chaque escale

Chaque regard croisé dans toutes les rues de Siam

C’est au-dessus-de moi

Marin, tous les matins au havre et la chambre d’hôtel

Je n’y parviendrai pas

J’ai goûté cependant sur le quai 21, venant de Montréal

Le récit d’un Chinois, sur le Port de Québec

Comme toi j’ai fumé la paille de contrebande

Un soir de tempête, comme toi j’ai regardé le large

Par dessus les jetées j’ai reconnu leur voix

Les meutes de l’océan  quand elle viennent t’engloutir

Ce bar était le seul à braver les embruns

Le Chinois proxénète, tu as dû le connaître,

Il m’a parlé de toi, de la peur des gouffres

Une nuit sur le pont, soudain, après vingt ans de mer

J’ai posé comme toi les billets sur la table

Derrière le rideau, au fond de l’arrière salle

Tu connais cette chambre, tu connais la lumière

Tu connais le parfum, marin

Tu sais, c’est au-dessus de mes forces

Raconter chaque vague n’est pas si évident

Je me suis laissé prendre au ventre de la houle

Raconter davantage, je ne le saurais pas

Elle m’a parlé de toi et de la peur des gouffres

Et j’oublie les détails mais elle ne t ‘oublie pas

C’est gravé sur sa peau à côté de son sein

 

© JPR G. 2 juin 2012

31 mai 2012

La Louise Catherine


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Salut ! 

J’ai habité la Louise Catherine

Salut! J’ai habité l’asile flottant

Cinq tampons de regard hermétique

Vingt kilos de laine de plomb

Cinq culottes en fonte salubre

La pose de verre sur châssis du tambour

Où nous dormions serrés contre le risque

De vivre

Le trou de dix centimètres carrés bien rebouché

Où nous dormions les yeux sur le plafond

L’alcool courait entre la Seine et l’hôpital

Jeunes vieux dans le même silence

Les ronflements les raclements de gorge

Toute la tuyauterie

Tout le ciment armé

Les coffrages dans les tubes d’éternité

Ne croyez pas qu’elle se cabrait

A la moindre vague

La houle venait d’ailleurs

De l’intérieur des hommes

Cent-quarante huit lits

Dont cent-vingt huit superposés

Deux à deux partis pour la nuit

Je t’entendrai gueuler jusqu’au jour

A voguer immobile jusqu’au jour

En janvier

Cloisons inclinées blanches

Cloison bleue qui sépare la cabine des dortoirs

Escalier brun foncé

Les bras autour des potelets

J’entendrai la chamaille la voix du major

Paris dehors avec ses exclamations

Les camions de pompiers

La corne des péniches

Tous les bancs de brume à notre rencontre

Salut, j’ai vécu là

Noble cœur un bol de café noir

 

Une petite troupe de quinze hommes peut-être

Attend l’heure devant la passerelle

Quai d’Austerlitz depuis les temps modernes

Je l’ai vue vieillir du métro aérien

Trois cents fois et plus selon la cadence

Je l’ai vue vieillir depuis les autos

Cent mille et des millions de fois

Tout ce qui file sur l’eau depuis Le Corbusier

Les passants, les amoureux , les suicidés

L’ont vu vieillir

 

Grise compagne lorsque je prends le train

Les histoires de clochards et l’armée du Salut

Comme si on pouvait y penser encore

Moi j’y pense emporté vers Limoges

Si j’avais dormi là sur la couchette du haut

A écouter les hommes s’inquiéter dans le noir

J’y penserais ainsi, salut, il n’y a rien à payer. 


© JPR juin 2012

30 mai 2012

Eloge du silence


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La place s’est tarie avant la fin du glas

L’éloge simple pour l’homme simple

Courait sur la campagne,

Exacte projection d’un nuage de chagrin

Il suivait le cortège.

Chacun aurait pu prendre pour soi

Une boule de pain, en manger le soir

A remâcher ses brisements

Mais le boulanger avait fermé sa porte

Il se bouchait la tête dans un coin du fournil

Afin de ne plus entendre les cloches

Un pain de moins, un pain de moins demain

Deux éleveurs restés sur le parvis

Appréciaient le cours des carcasses

Ils n’avaient pas oublié la peine

Mais tout se met en grange, le foin, le temps, le deuil

Nous sommes rentrés par des combes, des vallées

Nous sommes rentrés par des forêts

Nous sommes rentrés par un soleil de jade sur le camp militaire

Le silence n’est pas l’envers du bruit ou la fin des paroles

J’aurais dû traverser dans une calèche

Prolonger ma pensée dans le pas des chevaux

Comprendre enfin d’où me vient cette tristesse

A chaque fois plus grande

Je ne peux que vous prendre la main

Bien sûr nous sommes seuls

A chaque fois davantage

Mais nous le sommes ensemble

 

 © JPR G. 31 mai 2012

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29 mai 2012

Pardon à l’élan fantôme

 

 

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Le jour s’en va vers le réel  tandis que je doute du poème

C’est l’heure des solfatares, les mares couvertes de fumerolles

Le bruit d’une bête entre les branches de buis

C’est l’heure à chercher une pierre parmi les feuilles mortes

A tâtons parmi les feuilles une pierre car le bruit se rapproche

Et grogne

C’est la forêt des moiteurs, l’odeur des étangs dans la clarté montante

 

Voici le temps de retrouver les hommes car les oiseaux

Tous les oiseaux prennent de la distance

J’ai visité les catacombes et vu mes frères attentifs

J’ai traversé la rue de Rennes quand les bureaux se vident

Ce que font aux enfants  les hommes de pouvoir

Je l’ai vu s’agiter au journal avec toutes sortes d'immortels, 

tous les ravis du dogme et de la  certitude

En ville j’ai cherché les oiseaux,  ils m’ont prié de fuir.

 

Que fait le buis en pleine forêt ?

Faut-il voir les racines gagner le village en ruine

Ou le prêtre, les rameaux, la procession bénir les bois

Et ouvrir leurs routes au milieu de la paix ?

C’est l’heure de lâcher la pierre dans les feuilles

Se retourner vers l’animal, appeler les oiseaux

C’est l’heure pour demander pardon à l’élan fantôme

En silence

 

Le jour s’en va vers le réel

Je demande aux oiseaux de la cime de m’accepter

Je demande à la forêt de s’ouvrir

Autour du feu nous pourrions prendre le temps du doute


 

© JPR le 30 mai 2012

 

28 mai 2012

Inutilité


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La machine s’est mise en panne

Derrière le nuage, j’ai enfin distingué les maisons

J’ai vu les gens derrière leurs masques

Le lendemain seulement, j’ai pris conscience du silence

L’oiseau a chanté.

Tous, nous nous sommes tournés pour le voir.

Au sommet de la vigie, il chantait.

Le guetteur a jeté ses insignes dans la cabine.

Il est redescendu simple civil.

Chacun applaudissait.

Seul, le petit président semblait mécontent.

A la tête d’une petite troupe, il entreprit de nous rassembler.

Tous les habitants vinrent sur la place,

Personne ne baissait les yeux.

Le chef de la garde regarda ses hommes

Les hommes regardèrent le chef

Ils cessèrent ensemble d’être la garde.

Le président cria, il secoua le chef en tous sens.

Ce géant eut un rire profond, retenu depuis toujours.

La foule entière eut le même rire.

Des femmes en tenues bariolées, venues d’îles lointaines attrapèrent le président pour le chatouiller.

Dans les ministères on se coupa mutuellement la cravate.

A midi, tout le monde riait.

 

J’ai aligné ces phrases comme d’autres les billets

Devant les banques d’Espagne et de Navarre

Il y a des trottoirs, de grands dessins à la craie

« Fermé pour cause d’inutilité ».

Le travail est revenu, chacun a la meilleure part

La monnaie pour spéculer est désormais le coquillage

Mais plus personne ne veut y jouer. 

27 mai 2012

L'homme qui savait le nom des fleurs


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L’homme qui savait le nom des fleurs

Aux rives des fossés

Semait ses mots sur le chemin

Semait des tâches de couleur

Et l’on voyait soudain

Un lézard vert sous le jasmin

Sous le jasmin ?

Le myosotis et le genêt

Je crois

Il faudra que je demande

Mais le lézard a disparu

 

L’homme qui avait le nom des fleurs

Aux rives des fossés

Semait le sien sur le chemin

Compagnon rouge traces de pas

Et la couleuvre reviendra

Ce qui dans l’herbe se faufile

Ce qui chuchote dès le matin

Le nom des fleurs, le nom de l’homme

Ce qui le soir après l’ondée

Relève doucement la tête

 

L’homme fleur

Aux rives des fossés

Son nom latin

Je m’en souviens parfois

Compagnon rouge trace de pas

Bord de rivière  aquatica

Sagittaria sagittifolia

Ou quelque chose comme ça

 

Trois mots qui passent

Aux rives des fossés

Et qui reviennent en terrasse

Vingt ans plus tard

A regarder couler la Seine

 

© JPR G. le 28 mai 2012

 

 

26 mai 2012

Petite mariée


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Tu suis ton mari

 Petite mariée

 Tu passes  le pont

 Loin du champ de ta mère

 Où l’on jouait hier

 A la crête rouge

 Quelle couleur le coeur des fleurs?

 

Tu suis ton mari

Petite mariée

Tu serres sur ton cœur

 Une peur fanée

 Poussin blanc,  poule rose

 Coq en rouge

 Quelle couleur le coeur des fleurs?

 

 Si la nuit te froisse

 Petite mariée

 Poussin blanc, poule rose

 Coq en rouge,

 Pense au jeu des fleurs

 Toutes les filles  tournent au vent

 Et leurs  jupes rouges

 Le champ de ta mère

 

 Fenêtre au matin

 Petite mariée

 Une fleur d’enfant

 Sur le drap du lit

 Tout le monde rit

 On riait aussi

 Bataille de fleurs

 Au champ de ta mère

 

Plus que trois couleurs

 Petite mariée

 Couleur de pensée

 Le ciel et la mer

 Pétales dans le vide

 Couleur de craie sale

 Filet de couleur que lèche la vague

 Les fleurs de ta mère

 Ton corps sur les pierres

 

 © JPR Mai 2012

publié dans les bordures du Champ secret

 

25 mai 2012

Le jour sans plus

 

 

 Anniversaire Valentina 024

Le jour est ouvert avant les hommes.

Bien sûr, aucun signal ne poussera les volets

pourtant le jour est là avant la foule

pourtant le jour précède les passants

pourtant le jour éclaire l'unique habitant

Selon la fortune du lieu

La foule traversera sans voir

Les passants, c'est leur destinée enfileront les pas

Seul l'unique habitant pourrait voir et jouir

Mais il appartient à l'attente et se confond avec le paysage

Il est le début de la nuit

Sur le pont Charles-de-Gaulle , entre Austerlitz et Lyon

J'aperçois échappés du flot et retirés du désert

Des flâneurs, des curieux, des badauds

Le jour s'ouvre enfin aux hommes

Vois sur la Seine, la voile, signe d'Harfleur et de Rouen

Les mouettes et l'annonce d'un gros temps

Bord à bord le chalutier, le boutre et la péniche

A l'abri de la houle, quai de la Râpée


© JPR Mai 2012

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