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Poésie par la fenêtre

15 juin 2012

Le Double

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J’avais un double, il est mort

Profitons de son enterrement pour nous enivrer

La vérité je n’en ai pas

Mais je devine nombre d’amis dans le refus

Au bout de la ligne, les voyageurs descendent

Je m’absente

Qu’est-ce que cela coûte, allez, de le pleurer ?

J’avais un double.

Maintenant, je dois tout faire moi-même

Vous écrire pourquoi pas, si le soleil s’apaise

Mon double jeune franc et beau                                                                          

S’éloigne sur un catafalque

Tandis que la foule l’emporte

Je reste seul à contempler mes mains

Pourtant, j’ai l’âge de mes émois

Seize ans peut-être, sous un pin

Il avait les cheveux rouges, il aimait ton parfum

J’étais un seul alors à te tenir la main

Il est resté au café près de Solidor

Je ne l’ai su que bien plus tard

Je voyais disparaître ma part de fantaisie

Dans le miroir mon double laissait sa place

Dans le miroir mon double prenait ma place

Un décor d’été tant de jeunes gens

Tout était neuf, il est resté

Sous les pins, les jeunes gens et notre amour

Tout est plus lourd, mon double est mort

 

Voilà bien un texte lugubre

Je le réciterai devant les assemblées

Pour  faire pleurer de joie

 

© JPR 16 juin 2012

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14 juin 2012

A grands pas

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A Gustave Khan            

Mes palais nomades

Oh mes libres marines

Longer les franges de mer

A grandes éclaboussures

Libre, libre on l’est aussi à ressentir

Sur la peau toutes caresses

de ton corps du retour des marées, de l’esprit

Libre et plus encore affranchi

Mon pas ne marque plus le sol

Même sur le sable, même au marais

Mes palais nomades

Où que tu te trouves, j’y suis

Le vin au comptoir, rue au Maire

Je le goûte à la Gare Montparnasse

Il me berce dans le train

Je le pisse sur la grève

Il m’en reste encore la lumière

Il m’en reste la forme du verre

Une femme aperçue dans sa transparence

Et le goût du rubis

Et le fruit sous ma langue

Plus jamais tel Achille

Immobile à grandes enjambées

Plus jamais à loucher vers mon ombre

Pour l’avoir devant moi

Mes palais nomades

Quatre murs une table et la fenêtre ouverte

Libre d’origines

Dans mon temps compté libre

Resurgir  où me plait

Poète du passé, au présent sur la vague

Reviens battre l’écume

 

Il est tard

Du couchant, des marines

Il n’est que la mémoire

Au pied de la falaise

Près de ma petite mariée

Il faut que je me serre

 

 

© JPR 15 juin 2012

13 juin 2012

Matin sans lunettes

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Ce matin n’a pas de lunettes voici qui nous repose

Ce que nous aurions voulu écrire

Il faudra s’en souvenir

J’ai quelques paysages, notes personnelles

Le creux d’un arbre, j’avais dix ans,

D’y contempler les rares passants

De saisir la trace sonore

Un bain de mer, le regard à fleur de vague devant Cogoletto

Un jeune dormeur, vague pêcheur à Rabat

Meknès sans comprendre

Bien rares fragments et de hasard seulement

Mais le matin sans regard oblige à mieux traduire, je le cultiverai

 

Sur le Puy de Gaudy entouré de verre,

des lichens poussent à même la peau des dormeurs

C’est une citadelle et c’est l’hiver, je m’en méfie

 

Je le cultiverai pour l’emporter et le traduire

 

En face, des statues toujours prises

Attendent dans la pierre

Trop de granit, pas de sculpteur

Leurs gestes retenus et les cristaux

Empêchent qu’elles respirent

Sur le Maupuy , à ciel ouvert

Tout un musée de roches

J’y vois bouger des formes

 

Matin sans voir

L’odeur des fougères

Entouré de pins

La pierre retrouvée en grattant sous la mousse

A cinq heures soudain

Tous les oiseaux s’éveillent

 

© JPR 14 juin 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

12 juin 2012

Intérieur

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Ma valise est fermée de l’intérieur et contient des effets personnels

Outre le petit linge et un thème astral

Un nécessaire de réparation de l’âme et des articles d’hygiène

S’y trouvent le corps qui me sert de véhicule

Une propension à refuser les tyrannies

Un goût pour la lecture de poèmes

Et quelques harengs bouffis en hommage à mon grand-père

Qui en mangeait beaucoup

Et à Charles Cros, qui les faisait pendre

Au bout d’une ficelle longue, longue (enfin vous savez)

 

Je suis à la fois très peiné et quotidiennement gêné d’avoir égaré cette valise

Oh, certes le fourbi du quotidien ne m’est pas actuellement indispensable

L’est-il, d’ailleurs pour vous ?

Mais mon corps peut encore servir pour des démarches

En cas de contrôle d’identité, comment prouver que moi est moi, sans enveloppe ?

C’est déjà si difficile sans papier

Comment répondre aux questions de la police

Sans corps pas de délit, pas de preuve

Comment se réconcilier sans poignée de main fraternelle

Comment boire à la libération ?

Comment, pour fêter cela  me rendre chez les dames, à grandes enjambées

Une fois que j’y suis, comment…, enfin bon

 

Si vous trouvez cette valise ne la jetez pas à l’eau

N’en faites pas trop longtemps le tour en vous grattant la tête

On pourrait vous remarquer

Ne la laissez pas traîner sur une table graisseuse

Couvrez-là

Enfin, si vous renoncez à la garder faites-moi savoir

Où elle se trouve

Il suffit de poster votre lettre dans la fente, à gauche, où sont dessinées les fleurs

Non, pas la petite, la grande…la petite, c’est pour respirer

Je vous répondrai sur le champ et sachant où je suis,

Je pourrai vous dire où là, me renvoyer.

 

 

© JPR le 13 juin 2012

 

11 juin 2012

Bloc

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Entre le chemin de fer d’Orléans et le métro aérien

Entre la Louise-Catherine et le quai d’Austerlitz

L’œil tenu par un coureur de marathon

L’oreille par un saxo ténor débutant qui insiste

La traversée du Pont Charles-de-Gaulle est, entre deux rives,

Une note d’humeur sur le voyage

Je n’y connais que des passants

Ils se croisent d’une gare à l’autre

Ils sont un récit d’aujourd’hui

Hier un militaire partait à la guerre en tongs

Bermuda et sac à viande, vacances

Un homme bien mis, bien fait aussi, trouvait sur son passage

Une bouteille de mousseux et l’entonnait en regardant la Seine

Trois étages de trentenaires s’entassaient sur une barge

De la musique techno leur secouait les aplombs

Ce passage du pont est un péril

Je n’y connais personne, je reconnais les gens

C’est ici que se décide la couleur du jour

Quelque détail, le fleuve, une tour au loin

la structure du paysage protègent l’émotion

Et l’émotion tu sais c’est important

Le coureur de marathon rebrousse chemin

Sans jamais se retourner

Le saxo ravale ses notes

Les passants changent d’avis changent de gare

Et l’homme bien fait cherchant son arche

Se jette à l’eau

Le militaire lui lance son paquetage et de ce fait

Immédiatement redevient civil

Tandis que l’autre se noie

Ce n’est pas moi qui ai largué les amarres

Je me réjouis toutefois, avec les riverains

De voir partir la barge

Quel âge auront les passagers en atteignant le Havre ?

Fin du jour, fin de la traversée

Maintenant la Seine est un fleuve dans la ville

Quand la ville fait bloc avec la brume

Quand les sons s’entendent depuis la Louise-Catherine

Le train m’emporte et que m’importe

La ville où l’on n’est plus

N’est plus la ville où tu n'es pas.

 

 

© JPR 12 juin 2012

 

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10 juin 2012

παραϐολή Parabole de la Souterraine

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παραϐολή

Parabole de la Souterraine

 

La vie sans parole

Des couleurs sur toute la traversée

Triomphe du couchant contre les nuées

Champ de blé avec orage

Sans parole vraiment

Je ne vais pas te téléphoner

Issoudun apparaît sous la pluie

Prise entre deux feux

L’ouest en bataille, l’est en reflet

Le soleil fuyant l’obscurité

Toutes les vitres, les autos, le goudron

Et les flaques en réponse

 

La vie sans parole

J’en parlerais bien avec ma voisine

Si elle n’était captivée par un roman

En gare d’Issoudun

Tu sais, le paysage prend soin

D’être semblable à nos lignes de fuite

J’emprunte la rivière

J’emprunte des lisières sous la pluie

J’emprunte une route mouillée

Mais, mon regard se perd en vain

 

La vie sans parole est aussi

Une vie sans jalon

Ensemble nous aurions

Des points de vue à échanger

A l’horizon

Je le devine le cœur serré

L’homme au vélo aperçu dans la côte

N’est qu’un déplacement de moi-même

Tirant ses propres lignes

D’est en Ouest

Tandis que le train fend la carte

Et te laisse à Paris

 

J’approche de la Souterraine

Sans un mot de regret

Ce voyage sans parole

Je t’en dédie les pensées

Je t’aime et je t’aimerai

Le silence m’en soit témoin.                              

  

© JPR juin 2012

9 juin 2012

Un léger doute

Eté 2006 Ile Grande 067


Un léger doute

 

Il me viendrait bien un doute

Scélérat jusqu’à l’épuisement

Il se pourrait que tous ces mots

Soient dérisoires et même laids

Accumulés chaque matin

Une petite idée ne produit rien

Deux petites idées rien non plus

Il faudrait le grand soir des idées

Sons, images, stimulés, portés

Par une fort grande aventure

Même simulée. Un film de vie.

Alors, sur l’écran se devinent

Tant d’amours, de sentiments

Alors, sur l’écran ligne à ligne

Se dessinent les textes

Les lecteurs s’approchent

Chacun(e) goûte, satisfait (e).


6 juin 2012

Cache une pierre

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Peux-tu accepter que la rumeur d’une foule couvre ta voix

Avec les bruits de la rue, la vie quand elle traîne des pieds

Avec les toux les rires et les klaxons ?

Peux-tu accepter de continuer tout de même à lire ta poésie

Pour un seul passant peut-être qui tendrait l’oreille ?

Pour une passante attentive  que tu ne reverras pas ?

Es-tu en mesure de lire et d’aller vers le dernier vers, le dernier mot

Sans relever la tête et chercher partout un signe d’acquiescement

Peux-tu même renoncer à te dire humble et quitter les rangs des flagellants

Garder ton rang d’homme libre ?

Viens

Accordons nos violons

Le mien est une route du Causse  au paysage ras

Rien n’y vient et rien n’y viendra que le merle des roches

Nous pourrons nous rafraichir  aux lavognes

Notre pensée, nue à l’image du Méjean, s’écoulera lentement

Nous marcherons ainsi

Entre deux ondées ou sous le soleil d’août

Accordons nos violons

Le tien est une fenêtre  et une femme aperçue

Tu passes sans cesse en variant tes heures

Tu ne la revois plus

Une ombre à la fenêtre,

Elle cherchait, crois-tu, à capter ton regard

Nous jouerons ainsi jusqu’au soir

Cela fera venir une petite foule

Sa rumeur couvrira notre voix

Puis avec de plus en plus de fougue

Son cri reprendra notre chant

Venu du Causse Méjean

Descendu des collines

De toutes les fenêtres

De toutes les femmes libres

La foule s’accordera une pensée singulière

Derrière les effets de miroir

Le chant cache une pierre.

 

© JPR le 7 juin 2012

5 juin 2012

Mazurka

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Oui, le disque est toujours là et je l’écoute parfois

Mais lorsque j’entends la mazurka

Si l’escalier craque, c’est la fatigue du bois

Tu ne viens près de moi qu’à force de souvenir

La vallée, au moins répond à la musique

Elle joue au nuage, elle se voile d’eau

Oui, le disque est toujours là, je l’écoute sans cesse

Parfois, je vois tes doigts sur le clavier

Mais lorsque j’entre dans la pièce, la musique s’arrête

Un piano fermé c’est un ami qui vient de rompre

On l’installe chez soi en attendant qu’il se retrouve

On peut lui parler certes, mais il ne répond pas

Oui, le disque craque, beaucoup trop, et je m’inquiète

Tiens, j’écoute encore la mazurka

Il n’y a plus personne dans les phares, en mer

Ni dans la guérite, à Commines sur la Lys

Plus personne sur les chantiers ouverts aux vents

Aux quatre vents au public aux immondices

Les chantiers en ruine au nord de la Galice

Ni dans la rue, personne

Je guette parfois à l’œilleton

Si tu étais devant la porte avec, je ne sais pas

Un bouquet

J’ouvrirais avant que tu ne sonnes

Il y aurait derrière moi, dans tes yeux, sur tes fleurs

Toute l’envie d’une danse

Le disque pourrait craquer sa mazurka une dernière fois

Tandis que tu règles ton siège.

 

 

© JPR  06 juin 2012

 

 

4 juin 2012

Des lueurs dans le jardin


P1010898 - Version 2 

Des lueurs dans le jardin indiquent la place des lames

La lune a tourné sa face vers des armes pointées

J’ai croisé depuis tout ce temps les tortionnaires et les héros

Ils n’attendent que les circonstances pour être

Les tortionnaires ou les héros sur la place du marché

Paisibles clients pour les marchands de viande

Tandis que la brise et la foule respirent à l’unisson

Les pas quotidiens achètent du pain

Le pain dans une flaque, aux pieds d’un homme seul

Quatre hommes en bleu réclament ses papiers

Ils le conduisent à part et s’il ne hurle pas

Rien ne viendra troubler la quiétude du marché

 

Je mets dans le même sac toutes les scènes violentes

Tous les paquets de graines

Donnez-moi donc un peu de ces légumes bios

Tandis que des marteaux cassent des épaules

Tandis qu’ils enfoncent les crânes à la calotte ronde

Un peu de terre au pied de ce vin liquoreux

Tandis que l’on souille les tombes

Le marché sur la place du village entourée de balcons

Attire le chaland

Les touristes s’achètent des colliers

Soudain dix chiens surgissent en hurlant

Ils frappent et frappent et frappent

Celui qui leur échappe a le visage en sang

Il n’est pas du pays, c’est vrai

Mais quel est le pays des meutes enragées ?

 

On coupe en deux un pont, on le nomme frontière

Les chiens s’y couchent en rond en attendant la guerre

N’attendons pas la nuit pour donner notre avis

Toutes les graines

Tous les paquets de graines

 

 

© JPR 5 juin 2012

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