Bloc
Entre le chemin de fer d’Orléans et le métro aérien
Entre la Louise-Catherine et le quai d’Austerlitz
L’œil tenu par un coureur de marathon
L’oreille par un saxo ténor débutant qui insiste
La traversée du Pont Charles-de-Gaulle est, entre deux rives,
Une note d’humeur sur le voyage
Je n’y connais que des passants
Ils se croisent d’une gare à l’autre
Ils sont un récit d’aujourd’hui
Hier un militaire partait à la guerre en tongs
Bermuda et sac à viande, vacances
Un homme bien mis, bien fait aussi, trouvait sur son passage
Une bouteille de mousseux et l’entonnait en regardant la Seine
Trois étages de trentenaires s’entassaient sur une barge
De la musique techno leur secouait les aplombs
Ce passage du pont est un péril
Je n’y connais personne, je reconnais les gens
C’est ici que se décide la couleur du jour
Quelque détail, le fleuve, une tour au loin
la structure du paysage protègent l’émotion
Et l’émotion tu sais c’est important
Le coureur de marathon rebrousse chemin
Sans jamais se retourner
Le saxo ravale ses notes
Les passants changent d’avis changent de gare
Et l’homme bien fait cherchant son arche
Se jette à l’eau
Le militaire lui lance son paquetage et de ce fait
Immédiatement redevient civil
Tandis que l’autre se noie
Ce n’est pas moi qui ai largué les amarres
Je me réjouis toutefois, avec les riverains
De voir partir la barge
Quel âge auront les passagers en atteignant le Havre ?
Fin du jour, fin de la traversée
Maintenant la Seine est un fleuve dans la ville
Quand la ville fait bloc avec la brume
Quand les sons s’entendent depuis la Louise-Catherine
Le train m’emporte et que m’importe
La ville où l’on n’est plus
N’est plus la ville où tu n'es pas.
© JPR 12 juin 2012