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Poésie par la fenêtre
22 octobre 2012

Le livre des feux

 

 

           Miroirs, loupes
           Petite chirurgie dans la mémoire
           L’esprit d’observer sous la lumière
           Ce qui peuple la rêverie
           Aujourd’hui les dérobés
           Escaliers, coulisses, claire-voie
           Moucharabieh
           Ce qu’ils cachent
           Ce qu’ils révèlent

           Serait un gardien de phare
           Condamné à voir dans un clin d’oeil
           Le faisceau un instant illumine
           L’écueil
           La famille autour du deuil
           Les recluses
           Une clameur, des joies

           Poète derviche à Cordouan
           Ce qu’il révèle aussitôt s’éteint
           Ce qu’il réveille l’étreint
           Couvert de sueur au matin
           De voir le monde par la nausée

 

 

 

 

© jpr 22 octobre 2012

 

 

 

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25 octobre 2012

Hurdy Gurdy

 

 

 

 

 

Ce matin j’avais la peine

Dans la jambe droite

Et le chafouin dans le museau

Brouillard conjugué

La chanson humide pendue aux arbres

Un mur en front de jour

La dispute des sombres sur le trottoir

Je serais resté couché sur le pas de la porte

J’attendis le passage du joueur de vielle

Avec sa renaissance

Il y avait des filles en sabots

Des garçons de vingt ans en blouse

Suivons la manœuvre

Si la vie propose un branle une gigue

Une polka

Il faut suivre

Et suivons

 

                                                                            © jpr 2012

 Branle des chevaux:                                                        

   http://www.youtube.com/watch?v=8r1_kYfOt3k&feature=related

 

29 décembre 2012

Rencontre

Treize minutes encore, ce jour aura cessé de vivre
Qu'aurai-je trouvé aujourd'hui parmi les mots?
Qu'aurai-je regardé?
Une araignée je crois m'a examiné
Moi j'observais l'araignée
A quoi ressemble un homme vu par ces yeux là?
A quoi ressemble une araignée que regarde un homme?
Nous en étions tous deux stupéfaits et sans réponse
Tous ceux qui ont tenté l'expérience le savent
Si vous ne l'écrasez pas, l'araignée vous enseigne le temps
Sous la sandale des puissants, des immédiats, des sans-pitié
Il y a plus qu'un peu de sang et de chitine
Il y a ce dont le monde souffre, c'est d'ignorer le temps
C'est de vouloir le voler, le réduire à la capture, à la destruction 
C'est le désespoir des brutes: anéantir pour exister, et l'on n'existe pas
Trois minutes encore ce jour aura cessé de vivre
Mais l'araignée poursuivra son oeuvre à petits points de fil

 

© jpr 29 décembre 2012

 

7 janvier 2013

passage banal

Le voyageur cherche la place de son coeur
La confidence dépasse le banal
Il risque d'avoir mal si l'affaire est intime
Deux à deux, pour fuir la journée
Ils échangent leurs préoccupations
Mais se préoccupent de n'en rien dire et de n'en rien savoir
Multipliés par millions, les chuchotis consternent un ciel déjà gris
Direction Paris, le train passe au ralenti
Gare de Partenia
Les employés mains croisées,sur leurs serments la tête basse
Ecoutent passer la rame
Figurent nos obsèques
Nous sommes leur drame, ils pourront raconter

 

jpr 07 janvier 2012

 

 

9 janvier 2013

matinale

D'abord on apprend à distinguer, de loin, un long d'un court
Puis l'inverse
Si c'est un long on pourra voyager assis
Triste liaison pourtant
Si c'est un court, les usagers courent
Jouer des coudes
Des gars fument dans le wagon de queue
Plusieurs cigales rythment le parcours
Evitons les durs de la feuille
Je pense à leurs rêves éclatés sous les casques
Là-bas les forêts offrent douze couleurs de givre
Je m'hébète la gueule ouverte vers le plafond
Je m'affale le menton sur le plastron
Imiter ses voisins, se fondre, se confondre
Heureusement, il y a la Seine, je le devine
Et les sentiers là-bas, la feuille le pas
Le souffle au large des matins froids

 

09 janvier 2013

 

 

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21 janvier 2013

Bon karma par Nation

 

 

 

Encore une journée que nourrissent des urgences
Et la contemplation mon vieux?
J'entends bien la progression de l'insecte
Bruit de mandibules à l'intérieur
Vers nos bases vitales
Il ne reste rien de bois encore moins de papier
Il faut faire danser les signes dans la mémoire
Méditer entre deux stations
Bon karma je le dis
Pour courir sans tomber

 

 

 

 

©  jpr 21 janvier 2013

 

3 mars 2013

Le banc

 

 

Vieux sur son banc
Je me suis approché
-       Vous me reconnaissez ?
Vieux autour les sables mouvants
Personne ne s’y risque
Il n’a pas répondu mais il a parlé plus fort
-       Je me souviens n’est rien si personne ne sait
Le regard au fond de soi, les yeux, les cheveux, le soleil même brume
Le square, les maisons autour, le sable les poussières même éclat
Les silhouettes d’aurore même brume, même éclat même aura
-       Vous me reconnaissez ?
Il n’a pas répondu mais il a parlé plus fort.
-       J’entends comme je vois, le contour des mots, celui des hommes
Vieux sur son banc
Aveugle et sourd par vieillesse par choix et pour se retirer du monde
Parfois quand je m'éloigne je l'entends battre des ailes. 

 

 

© jpr 03 mars 2013

5 mars 2013

Sagamore chaque matin

 

 

 

 

 

Quand après 47 ans de deuil, Sagamore Martin décida de vêtir sa vie en clair, il était déjà finissant.
Est-ce de la poésie, est-ce un nouveau roman ?
Essaie un peu, toi, d’être moins morose
Tant d’années à faner le chrysanthème vous laissent sans élan
Sagamore s’acoquina à un petit hôtel près des étangs
Il y recevait en mondain et en demi-mondain
Il y  apprit le plaisir, le whist et puis à boire
Par quoi il se gomina les cheveux, porta l’écharpe blanche
Je te vois, lecteur, mouiller ta lèvre pour faire comme Sagamore
Et toi, lectrice, je t’entends
Le bruit d’un baiser à ton miroir
Voilà, je te laisse le temps
Encore
Voilà
Merci Sagamore.
A chaque fois le bruit du baiser
Peux-tu t’en empêcher ?

 

 

 

 © jpr 05 mars 2013

28 mars 2013

Un chiffon

Avec des petits chiffons colorés
J’attrape le matin des poèmes
C’est difficile de les garder
Sans leur couper un peu les pattes
Chiffon rouge, chiffon vert, chiffon de dentelle
Chiffon de tartan aux jambes de bonhomme
Pour finir, chiffon en peau de vous savez quoi
En peau de chagrin
Ce matin, un quatrain ne faisait pas la maille
Je l’ai libéré
Depuis, il tourne en rond
Il finira bien par se faire prendre
Un court texte pris avec du noir
Il commence et s’achève par le même mot
Espoir.

 

 

 

 

© jpr 28 mars 2013

31 mars 2013

Le temps dans la rue principale

Le temps est là dans la rue principale
Je marche avec mon étrange moi, mon étranger
Celui qui me pleure à l’oreille
Celui qui tourne mon regard vers les flamboyants
Tout ce qui est rouge et ruisselle à la rivière
Je veux dire l’aurore en mai
Je chemine sans savoir ce qu’il aurait à me dire
Ma conscience est son lieu son toit sa voix
Mais il ne parle guère ou alors par énigmes
Parfois je voudrais rire mais je ne ris pas
Voici qu’il referme la cage et je vous vois partir
Et je vous vois de loin
Avant, que se disait-on qui fait peur à l’enfant ?
Mon étranger, tais-toi, écoute-moi
Le temps est là, dans la rue principale
Je vais, je viens, je te berce et j’attends
Ecoute la chanson qui vole

 

 

© jpr 31 mars 2013

28 avril 2013

Il crie

J’étais colère
Mordu à vif par toute insulte
L’autre dans la rue me crie
Sale vieux
Toute frontière se trouble
Hors des limites plus de corps ni vêtements ni peau
Le temps revient et ceux que j’étais                                                                  
Nous observons l'injure lointaine
L’autre sa bouche crache de la haine à petite écume
Comment peut-il crier ainsi au-dessus du fleuve
Sale vieux
Que j’engloutisse toute colère, toute morsure
Regarde-moi paisible ma vie

 

 

 © jpr 28 avril 2013

21 mai 2013

Réponse du vent

Réponse du vent

 

 

 

Si vous venez lire ce poème
Pensez que sur la feuille blanche
J’ai vu, oh, un instant
La Terre encore immense
Des lieux où se perdre
Le froid des matins
J’ai vu notre rencontre écrite et qui se réalisait
J’ai vu nos visages avant
Avant de crier, avant de rire, avant d’ouvrir les bras
Juste avant de tomber dans une autre existence
La Terre encore immense, reprise aux images, rendue au pas de l’Homme
Si vous venez lire ce poème
Vous aurez traversé l’immensité
Vos traces se comblent déjà sous la neige
S’effacent, comme les miennes
Reste un bouquet d’herbe sèche
La réponse du vent

 

 

 

© jpr 22 mai 2013

22 mai 2013

Jouer au silence

 

 

Il n’y a plus d’abonné au numéro que vous avez demandé
Le petit chat s’est barré
L’électricité vient d’être rationnée
Les enfants qui regardent par les trous du grillage
Jouent au silence en prenant garde à ne pas déranger
Si je ne l’avais pas écrit
Qui d’entre vous aurait pu les remarquer ?
Et maintenant, ce n’est pas une grimace qui les rendra plus gais
J’ai connu une belle ville d’Orient, avec un roi
Tout ceci était derrière les murs
J’ai dit, c’est à cause du roi
J’ai connu une belle ville d’ici, sans roi
Mais avec un mur pour cacher tout ça
Alors, ce n’est pas à cause du roi, je crois
Il n’y a pas de numéro derrière le mur
Juste un grillage qui bouche les brèches
Les enfants même lorsqu’ils crient
Jouent au silence au bord de la quatre-voie.

 

 

© jpr 22 mai 2013

 

28 mai 2013

Lacrimosa

 

 

Sagamore ne chante plus à lacrimosa
Il sera viré du choeur
Mais il a compris
Maintenant il écoute
Oh, jour plein de larmes
Ecoute, Sagamore
Par la bouche ouverte
Aucun mot
Pas un homme qui pleure
La foule emporte un enfant
Même poussière sur le monde
Sur la plaie sur le corps
Sur le flot sur le deuil

Poussière Sagamore
Pas de regret
Les souffrances sont perdues
Eleison

 

 

© jpr 28 mai 2013

2 juin 2013

Révélation

 

 

Réveille-toi sans voir tout en bleu
Sache le poids des collines
Sache le poids de la route en lacets
Dieu sait les pensées de la fille à tes côtés
Elle dort
Concentre-toi sur la route
Le monde est bleu c’est vrai jusqu’à la ligne
Il me plait il me plait de te savoir passé ici
Il y a deux heures au plus
Ton dernier mot
Je le demande à mon père, « l’as-tu entendu ? »
Rien, à son habitude, il n’a rien su rien vu
Réveille-toi sans voir le bleu courir ta veine
Réveille-toi
Tes mots oui c’est vrai seront les seuls à partir d’ici
Regarde la fille pose les lèvres sur sa tempe
Dieu sait le goût des matins de juin
Ce serait pitié de le laisser filer sans te dire
Sans rien te révéler

 

© jpr 01 juin 2013

5 juin 2013

La vermine et le temps

Toutes les maisons vides un jour se vident
Leurs matrices expulsent le dernier souvenir
L’enfant mort vieux qui guettait son soupir
Les chevaux morts debout dans l’écurie
La malle-poste et le souffle d’un équipage
J’arrivai en chantant à la petite ferme
Jean me tenait l’épaule il nous restait du vin
La nuit il ne se passa rien
Cri de chouette, porte battante à la grange
Froid vif assez pour se recroqueviller
Toutes les maisons vides ont ce souffle tiède
Elles sentent le champignon
Nous sommes partis à l’aurore laissant nos corps
Nos corps dormir dans la paille
D’une maison à l’autre nous roulons avec le silence
Ce qui fait craquer le bois c’est la vermine et le temps.

 

 

© jpr 05 juin 2013

8 juin 2013

L'ambulance

 

À F. tombé du ciel.

 

 

 

Je m’appelle encore C’était Franck dans l’ambulance rouge comme la ville de juin défile en éclats bleus sur les arbres du boulevard.
Je cherche l’air et d’entendre Ray Charles.
Le jour se termine Georgia, écoute le tour de clef.
Nomme-moi « C’était Franck » tout ce qui me ressemble dans ce bonhomme  m’effraie.
Ils m’ont trouvé traversé d’alcool ambassadeur du vide chaque souvenir est un tourment.
Le pompier me file des claques et me parle si fort cela me soulève du sol j’aperçois le sable la mer mes parents il me parle doucement, il comprend.
Je m’appelle C’était Franck devant les photos de famille chaque passant l’ignore, je suis lui désarticulé, il se tient aux murs pour franchir vite mon oubli.
Je m’appelle C’était Franck à la voix recuite d’amour tout ce que je touche réveille l’envie d’être pris dans les bras et dormir.

Toujours j’entends Georgia qui me garde en vie.

Mantes-la-Jolie tendue de noir les marronniers les squares et les boîtes de bière.
Ambulance rouge sans bruit sur la ligne droite entre les trottoirs les immeubles et la Seine
D’autres voient le vol de nuit d’oiseaux géants au-dessus du fleuve, vers le couchant.

 

 

 

© jpr 08 juin 2013

 

17 juin 2013

Sōlus

 

 

 

 

 

La solitude, c’est saluer son reflet s’il vous répond d’une autre langue
Robinson fabrique Robinson
- Pardon si vous-vous reconnaissez, dirait-il au miroir, c’est assez calme ici pour qu’on s’entende.
Mais le miroir éclaire une rue vide
Tous chagrins d’amour, fâcheries
Toutes dépressions, paresses
Querelles, deuils, chamailles, oublis
Amis et grands oiseaux perdus, sans vous, il reste tant de jours
Pour être enfin seul, il faut que je m’invente.

 

 

 

© jpr  17 juin 2013

 

17 juillet 2013

Loin la banlieue (Le pigeon 13)

Amis lecteurs fidèles du pigeon, bonsoir.

Oncques nous laissâmes nos héros rejoignant la banlieue par la route. Nombre d’entre vous s’inquiétaient, à juste titre et avec raison des possibles sévices que pouvaient leur infliger les passagers d’une automobile noire qui les suivait. Aucun procédé stylistique n’étant en ce moment en notre possession, nous ne pourrons faire de retour sur image pour identifier les sicaires  qui d’ailleurs, se camouflaient derrière des lunettes noires.

Ce seul indice pourrait nous laisser entrevoir que ces escarpes ne sont autres que les assassins de feu le chef de la CIA, mais aussi du restaurateur grec Yorgos Kotsiras.
Ce Kotsiras n’a aucun lien de parenté avec Yiannis Kotsiras, l’heureux compositeur de To Vals Tis Mikris qui se joue à la boîte à musique et qui  va si bien avec les scènes d’étranglement en noir et blanc auxquelles ont pu assister les lecteurs Grecs de votre feuilleton favori Το περιστέρι, censurées en France.

Mais porter des lunettes n’est pas une preuve de culpabilité. Ceux d’entre vous qui pensent avoir reconnu les violents cités plus haut sortent et passent leur tour. En effet, combien d’innocents auraient été condamnés avec de tels procédés qui tiennent de l’amalgame ? D’autant que le coupable à lunettes, les ôtant redevient innocent. Ah !

Après l’avenue de la porte de Champerret, les deux caravelles ont emprunté le périphérique. Roulant à une allure modérée, elles n’ont pas manqué, après l’avenue Edouard Vaillant de prendre la direction d’Orléans, puis de Vierzon, pour faire le plein de gazole du côté de Marmagne.  A 3 francs 48 centimes le litre la station Shell était à l’époque la moins chère de la région, mais les occupants des caravelles l’ignoraient, tandis que nous, nous en foutons totalement (sauf Martine, de Martigues, qui demande toujours des détails à la con qui ralentissent le récit).

Vierzon ? C’est une banlieue bien lointaine, je vous le concède. Mais si on est dans le viseur de  la CIA et du MI6 ainsi que du Ethniki Ypiresia Pliroforion (service du renseignement grec), c’est encore trop proche. Après 408 kilomètres de chaussée carrossable, nos personnages entrent en Creuse, par la Souterraine. Ici l’auteur est agité de scrupules : doit-il décrire tous les Grecs, ce qui nous les rendrait sympathiques, car familiers ? Doit-il attendre, c’était son parti pris jusqu'à présent, que des évènements mettent en avant certains d’entre eux, comme happés par le destin, marchant sur le proscenium à la rencontre de leur sort ?

L’inspecteur Bourras et ses hommes ne se posent pas la question eux, qui postés de nuit à la Souterraine, miment l’indifférence en se fondant dans la foule ce qui, même en plein jour et il est minuit est, à cet endroit, un véritable exploit. Pour ceux qui ne suivraient pas, je leur donne rendez-vous dans la rue principale au moment de leur choix, ils jugeront par eux-mêmes.

Les fiches renseignées par les collaborateurs de Bourras sont précises et détaillées. Ainsi saurions-nous en les lisant quel est l’âge exact, quelles sont les mensurations de nos Grecs et qui couche avec qui.

Les caravelles traversent la Souterraine silencieuse. Anna se penche vers Anatolios et lui glisse quelque chose à l’oreille.

-       Que dit-elle ? questionne Adrian

-       Elle me glisse à l’oreille qu’elle ne s’attendait pas à trouver tant de monde dans la rue à cette heure-ci dans un pareil endroit, répond Anatolios.

Dans les minibus, endormis et endormies, les grecs et les grecques roulent sans le savoir vers Guéret. Alexi Lychnári et Anna tous deux au volant sifflent Fischia il vento (non Martine, je n’ai pas les paroles). Ils ne voient pas l’auto noire qui, tous feux éteints a repris elle aussi la route.

 

Les lecteurs attentifs à la cohérence de ce feuilleton et Martine, qui aime les détails auront été, ce soir, comblés. Les autres protestent en allant se coucher et jugent l’auteur qui facétieux, qui, carrément casse-burnes. N’optez pas amis, attendez. La violence latente de ce récit finira bien par atteindre son acmé et vous serez les premiers à regretter nos flâneries. 

26 juillet 2013

Histoire au menu

-       La CIA, lança Bourras en débouchant sur le chemin, c’est peut-être 25000 agents…

Mes compagnons ne cachèrent pas leur mécontentement de le croiser ainsi en pleine nature, en pleine forêt, en plein oubli des jours derniers, pesants. Pour ce qui est d’être pesant, il était assurément le plus lourd.

-       Question de méthode, poursuivit-il, et ce n’est pas de me voir souvent qui peut inquiéter les suspects. Ce qui est inquiétant, c’est ce que je fais quand vous ne me voyez pas. 

-       De quoi sommes-nous suspects, inspecteur ?

-       Je suis certain que c’est bien davantage mais, avec allez, 25000 agents, 10 milliards de dollars, 200000 employés, la CIA, c’est une assez grosse maison. Vous n’êtes pas les plus suspects. Mais vous intéressez les plus suspects et, de plus, je vous aime bien. Si vous m’invitez ce soir, je vous en dirai davantage. En attendant, prenez, je les ai ramassés pour vous.

Bourras ouvrit l’un des rabats de son panier, plein de cèpes. Chacun passa, qui à droite, qui à gauche du policier, il resta sur le chemin, son panier à ses pieds et frappa dans ses mains pour applaudir notre petit groupe.

-       Vous êtes vraiment enragés… Posez donc cinq minutes vos théories à la con. Repos !

Comme je me retournai il cria :

-       Dis-leur toi, que Bourras est un ami. A ce soir…J’apporterai aussi les œufs.

Il resta un moment, les poings sur les hanches, à se fabriquer lui-même le personnage de Bourras. Lorsqu’il siffla, je n’eus pas besoin de regarder pour savoir que toute la brigade sortait du bois.

Mes amis grecs étaient dans une grande discussion. Certes une de leurs habitudes, mais celle-ci avait un tour très concret :

-       Ce mec, il se fout de nous, ouvertement[1]

-       Il passe son temps à nous guetter

-       Ou à nous faire surveiller

-       Ce qui revient au même

-       Il cueille aussi des champignons

-       Il est assez bavard, on pourrait peut-être en tirer quelque chose !

-       Même avec une longue fourchette…

-       On n’a rien à perdre, puisqu’aussi bien il est toujours sur nous

-       Plutôt crever !

-        Je ne partage rien avec ce type[2]

Le soir même, et je ne saurais dire comment et quand il était arrivé, Bourras était installé, le verre à la main, sous le tilleul.

-       D’accord, il faut se méfier de tout le monde, mais on peut quand même prendre du bon temps…Trois bonhommes en moins depuis votre arrivée dans le coin, ça bouscule la chronique. Encore un ou deux, ils vont être obligés d’embaucher à la Montagne…Vous le lisez ce canard ?

-       Pour les mots croisés et pour les pommes de terre, inspecteur…Il y en a un stock dans la grange.

Adrian semblait avoir sympathisé avec Bourras et Bourras aimait tout le monde :

-       Vous avez tort de ne pas y prêter plus d’attention. Regardez, les petites annonces, c’est passionnant, je commence toujours par là…

Anna l’interrompit :

-       Mais quelque chose me dit que vous n’êtes pas ici pour nous parler des petites annonces.

-       C’est vrai, quelque chose a raison, je suis ici pour savoir qui tire les ficelles, et ce sont de longues ficelles sales, malodorantes, de vieilles ficelles avec un avenir plus solide que le vôtre ou que le mien.

Il parla, sans être interrompu, tandis que la nuit tombait autour de l’arbre. Longuement, il parla. Son enquête, il l’avait commencée dans les livres d’histoire. Ses premiers suspects, l’armée anglaise et Joseph Staline. Le premier cadavre qu’il mentionna appartient à une longue liste tragique. C’est celui d’Áris Velouchíotis, l’un des principaux chefs de l’armée populaire de libération nationale grecque.

Le second cadavre est celui de l’autodétermination des peuples. Bourras montra trois ou quatre lignes sanglantes tracées par les services secrets qui aboutissent toutes au 21 avril 1967, au putsch des colonels, soutenus par les Etats unis.  Le troisième cadavre est celui de la jeunesse et des restes de la démocratie au cours des évènements du 17 novembre 1973 : 23 morts disent les livres, 23 morts de tous âges lorsque les chars évacuèrent l’école polytechnique.

-       Nous connaissons cette histoire, c’est la nôtre, dit Anatolios. Pourquoi prendre tout cette attention pour fouiller ? Merci cependant d’avoir pris le temps…

Autour de nous, la nuit formait une cache. Elle protégeait notre groupe, elle s’ouvrait vers l’espace et les étoiles, le même ciel pensait Nicias, que le ciel de Grèce.

-   Ce qui me passionne, c’est la raison pour laquelle je suis ici, c’est vous. Votre choix politique, la dénonciation pacifique des anciens bourreaux…Ce que peut entraîner un tel choix, et ce qu'entraîne le travail de la justice pour tout ce qui remue dans l’ombre et qui porte une arme.

   

 



[1] - Αυτός ο τύπος, αυτός είναι το γέλιο σε μας, ανοιχτά

[2] Δεν συμμερίζομαι τίποτα με αυτόν τον τύπο

28 juillet 2013

La preuve de Bourras

La preuve de Bourras, c’est Bourras. Bourras existe car aucune raison ni cause n’empêche son existence, comme dirait Spinoza. Spinoza n’a pas lu le Pigeon en entier sinon, il saurait que de nombreuses raisons qui portent des flingues s’opposent à cette existence.

 

Bourras n’est pas né tout armé dans les greniers  du 36, quai des orfèvres. Fin connaisseur de l’histoire contemporaine, il exprime très tôt une véritable attirance pour les enquêtes ayant trait aux « Droits de l’Homme ». D’aucuns diront que toutes les enquêtes y sont plus ou moins liées. C’est vrai, la Loi, s’oppose à la raison des violents et protège le faible contre le fort. C’est écrit. 

Bourras aurait voulu être avocat, mais il est devenu flic. Il aurait pu opter pour la magistrature, il a fait l’école de police. Il pouvait devenir procureur, il est devenu inspecteur et ne souhaite pas changer de grade. C’est bien, disent ses supérieurs et quelques messieurs près du ministre de l’Intérieur, c’est un garçon lucide.

Bon, à la tête d’une brigade composée – c’est exceptionnel, d’éléments de son choix, il s’est fait remarquer dans des affaires de petite politique et de grande escroquerie. Refusant résolument le slogan « tous pourris », il a souvent cherché où il fallait, sur information de ses nombreux cousins, informateurs radicaux, recrutés parmi les déçus de l’ascension sociale, déboutés de cabinets, mal servis à l’arrivée d’Untel au pouvoir, bref traîtres en tous genres et prêts à trahir pour nuire, même pas pour de l’argent. Son but, prouver que la classe politique dans son ensemble est plutôt composée de garçons et de filles compétents ou qui savent s’entourer, qui agissent pour le bien commun, au service de la chose publique. Alléluia !

Pour ceux qui mettent les doigts dans la confiture, c’est une autre affaire, pan sur les doigts, direction le bureau du juge. Car Bourras a cette particularité d’être à la disposition, sur leur demande et quand ils demandent, de quelques juges d’instruction qui apprécient sa probité et, il faut le dire, son sens de l’inquisition télévisée. Rien à voir toutefois avec les « perp walks » chères aux Américains, Bourras ne livre pas de l’image, il fait livrer des récits complets de condamnations. Jamais avant le tribunal, toujours après et…je le crois, sans trop barguigner sur les détails.

Ainsi, la condamnation de quelques entrepreneurs de travaux privés sur fonds publics fut elle un motif de réjouissance pour tous les démocrates et les honnêtes hommes.  Les petits à-côtés croustillants de l’enquête déposés sur papier machine à l’intention des grandes rédactions parisiennes firent les bonheurs de dizaines de milliers de lecteurs. Car ces messieurs avaient leurs habitudes chez une certaine dame, qui se faisait entretenir par d’autres dames, venues de l’Est et les entretenait à son tour dans de petits salons coquins des beaux quartiers...La mère maquerelle fut stupéfaite de voir sa clientèle embarquée, en une seule fournée de protestataires, par l’équipe de Bourras, sur commission rogatoire du juge.

La vertu ou les bonnes mœurs n’entraient pas dans les préoccupations premières du juge ou de l’inspecteur mais, parmi les endimanchés qui furent inculpés ce jour là, un bon nombre avaient pris des positions publiques contre la prostitution qui devenait trop visible selon eux, sur les boulevards parisiens. Les escrocs furent condamnés pour de bonnes raisons et protestèrent devant le « déballage nauséabond », par la voix de leurs avocats. Tartufferies pour lesquelles Bourras avait une délectation. J’écris avait, car cette affaire, avec d’autres finit par irriter des personnages irritables et puissants.  Impossible toutefois de se débarrasser complètement d’un type qui avait des dossiers sur chacun et assurément, les ferait diffuser après son trépas, sa révocation ou sa mise à la retraite d’office. Le statut entièrement dérogatoire de la brigade était lui-même le fruit d’un compromis parlementaire, accord discret permettant à une unité de police de disposer de pouvoirs très étendus dans le domaine de la protection des Droits de l’Homme, à une époque où de nombreux députés et sénateurs, de tous bords avaient jugé utile de revoir la règle du jeu, pour protéger la démocratie.

Les lecteurs avisés savent que, bien plus tard, d’autres osèrent parler de « droit-de-l’hommisme » mais, patience, nous y viendrons un jour.

Bourras fut donc mis à l’écart mais pas vraiment tout en n’ayant plus aucun budget mais un peu quand même juste pour acheter des lance-pierres et des taille-crayons.

Alors, il convoqua « ses hommes » (notons que l’on ne dit pas « ses femmes »), disons son équipe et leur donna le choix :

-         Restez, partez, vous n’aurez plus de promotion pour un moment, plus de moyens scientifiques, d’ordinateurs ceux que vous pourrez piquer dans les bureaux du dessous, les bagnoles, oubliez – on prend le métro, le bus et le train jusqu'à à la porte de Champerret. Après, tout à vos frais, primes zéro.

 

Ils répondirent en substance comme une seule femme :

-         On reste !

Tous avaient le cœur gros. En fait non, tous s’en contremoquaient à force de s’en foutre, juste comme vous et moi, lucides absolument et décidés à continuer le combat. Je comprends ces policiers. Ah, c’est vrai, voir trotter un lapin de couloir derrière sa promotion, c’est joli, à cause de leur petite queue blanche. Mais demandez à un lapin d’avoir le courage de ses opinions ?

Maintenant vous en savez davantage, c’est mieux pour suivre, pour ceux qui suivaient. Martine, de Martigues, c’est mieux aussi pour ceux qui ne suivaient pas, car ainsi, ils ont une petite chance, lors du prochain jeu concours du Pigeon.

 

16 septembre 2013

Houle

 

 

 

Nous étions sur ton bateau
Ciel gris sans description, sans ordre
Mer grise autant qu’un vent du Nord
Sans regret profonde
Nous étions sur le pont
La vitre du pare-brise à la tourmente
A quoi penses-tu en regardant les vagues ?
Silence du marin
Ciel gris, que le vent roue de coups
Mer grise creusée pour perdre des oiseaux
A quoi penses-tu mon père devant cet océan ?
Sous cette pluie, dans le grain, à quoi penses-tu ?
Il le prononce enfin
- Je ne pense à rien
Ciel gris à froides devantures, aux croupes tenaces pleines d’obscur
Mer froide à paquets  et l’on se secoue
Tenir, tenir au bastingage
La Terre au loin aux cris d’écueils
Rien
Mâchoires serrées
Le silence claquemuré poursuit la houle

 

 

 

 

© jpr 16 septembre 2013

16 décembre 2013

Synopsis

                                                  À D. , traversé par le vide,  ce jour là.

                        

                    Merci de m’avoir prêté ce souvenir
                   
Il traverse Millevaches en novembre
                   
Sur l’écran le vert sature le paysage
                   
Le vert et le gris, les signes d’automne
                   
Les bouleaux sans espoir
                   
Les arbres nus, les trembles
                   
Merci de m’avoir prêté ce souvenir
                   
Il roule au bruit des essuie-glaces
                   
Il roule avec un fond de radio
                   
Et la radio reprend
                   
Il pleut à Pontarion
                   
Il pleut  à Saint Hilaire
                   
Il pleut  à Charbonnier
                   
A Chavannat il pleut
                   
A Royères, à Pigerolles
                   
Sur l’image l’eau du marais
                   
L’eau du ciel
                   
Le camion traverse l’écran
                   
Laisse le vide
                   
J’étais avec toi dans ce souvenir
                   
Je m’en souviens
                   
Il y avait encore une école
                   
A Féniers une école
                   
Qui n’arrivait pas à rapprocher l’espace
                   
Sur l’écran la seule personne
                   
Est au volant sombre horizon
                   
Enfin Féniers 
                   
Tu ralentis dans une flaque
                   
L’essaim de parapluies
                   
Serré sous l’averse emporte
                   
En grappe noire
                   
Un plus défunt en cercueil verni
                   
Seule fantaisie dans le décor
                   
Le pépin rouge d’un distrait
                   
Le film s’achève ici.

                  Deux ou trois notes écrites au crayon
                 
Sur la boîte :
                 
La vie traverse un désert somptueux
                  Vide, dénué de regret
                  Les hommes y apparaissent
                  Venus de toutes parts, soudain
                  Pour voir au fond d’un trou
                  Descendre leur infortune.

 © jpr

 Merci, Serge, pour cette lecture...

 

8 septembre 2012

Octobre à ma fenêtre

 

 

 

 

Octobre à ma fenêtre
La nuit portera les froids
La peur serrée dans les greniers
Le feu d’automne prend les collines

Octobre, rentrons sans nous retourner
C’est la vie décrite en trente jours
En vigueur forte et belle
Qui s’achève solitude
Courbée sous le vent

 La dernière feuille
Tombe sans tournoyer
Trois pommes sur un arbre
Octobre s’achève en cris
Fermons la fenêtre
Fermons la porte à la nuit

 J’attends désormais le coin du feu
L’espoir seulement d’Etre
A la saison qui passe
Et non comme je le crains
Perché sous mon arbre
Dernière feuille
Vieux à craquer. 

 

 

© jpr 2011

 

29 octobre 2012

Motus

Motus

 

Il faut partager les secrets avec cérémonie
Célébrons ce qui cesse d’être aussitôt que connu
Si j’ouvre la main
Si tu regardes dans la boîte
Si nous voyons par le trou de la serrure
Ne répète jamais ce que je vais te dire
Ne dis jamais ce que je vais te répéter
                                                              Communion solennelle
Je te promets, jamais jamais
Tiens, je crache par terre

                                                           Son père n’est pas son père
  Son chien n’est pas son chien
                                              La voisine et le boucher chevalin
                                     Son frère n’est pas son chien
                                                           Le boucher et cette vieille carne
                     Quelle horreur ! Que c’est bon !
                La voisine, son père et le boucher chevalin
                                                                 Ce n’est rien c’est l’écho
                 Reprends du vin !

 

© jpr 2012

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