Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Poésie par la fenêtre
blog poesie
31 décembre 2012

Les mots prophètes

 

 

 

Voici les mots prophètes
A l’enfant la pierre
Au soldat la frontière
La limite et le plafond de verre
Avec nos têtes de boussole perchés dans les arbres
Nous cherchons le Nord
Vient à la femme l’idée d’être libre
Vient aux murs la permission du message
Viennent les mots prophètes libérateurs
Pour les sortir du silence, il faut la foule et la colère
Quand il suffirait simples gestes de laisser choisir
L’opprimé
Mots prophètes ils tordent l’oreille du complice
Tous les enfants battus
Tous les  soldats pris au civil
Toutes les boussoles faussées
Toutes les femmes enfermées
Tous les mensonges à la nausée
Personne n’y croit, personne n’en veut
Sous les pas des plafonds de verre, sous les semelles
Beaux quartiers, pavane des puissants
Les devenus, les restés, les localement, les universellement
Puissants au sourire gominé
Demande-toi à qui profite la libre excision
A qui profite la libre expulsion
A qui profite le libre bâillon
A qui profitent l’équilibre, les menaces, la peur, la crise
J’entendais rire des mots prophètes
Sous le marteau à la sortie du cornet de dés
Les mots prophètes un à un projetés sous les rires des puissants
La bouche couverte de sang et de confiture
J’y reconnais nos amis d’hier

 

 

© jpr 31 décembre 2012

Publicité
Publicité
30 décembre 2012

Ici là-bas

 

 

C’est la ville de nuit
Oui, la ville d’hiver
Après le cinéma
Je suis seul par la rue Grande
Cela pense sans y penser
Bien nous sommes bien
La pierre se révèle sous la lune
L’ombre souligne un trait de granit
Sous l’éclairage public
Nous sommes bien
Votre présence et mon pas
Solitaire mais inscrit parmi les hommes
Parmi les hommes de pierre
Leur cœur bat ici sur le grain des façades
Dans la vieille ville de nuit
Au jour au creux de leurs mains, solides.

 

 

© jpr 30 décembre 2012

29 décembre 2012

Rencontre

Treize minutes encore, ce jour aura cessé de vivre
Qu'aurai-je trouvé aujourd'hui parmi les mots?
Qu'aurai-je regardé?
Une araignée je crois m'a examiné
Moi j'observais l'araignée
A quoi ressemble un homme vu par ces yeux là?
A quoi ressemble une araignée que regarde un homme?
Nous en étions tous deux stupéfaits et sans réponse
Tous ceux qui ont tenté l'expérience le savent
Si vous ne l'écrasez pas, l'araignée vous enseigne le temps
Sous la sandale des puissants, des immédiats, des sans-pitié
Il y a plus qu'un peu de sang et de chitine
Il y a ce dont le monde souffre, c'est d'ignorer le temps
C'est de vouloir le voler, le réduire à la capture, à la destruction 
C'est le désespoir des brutes: anéantir pour exister, et l'on n'existe pas
Trois minutes encore ce jour aura cessé de vivre
Mais l'araignée poursuivra son oeuvre à petits points de fil

 

© jpr 29 décembre 2012

 

25 décembre 2012

Regards

 

 

Il me faut revoir la mer annonce l’homme libre à son chien
Un tour de quartier les voici sur les docks
Lui grille une cigarette
Lui flaire le danger. Au-delà des hangars, c’est le large.
J’aimerais comme eux avoir le poumon marin, le pied terrien
Trente ans à savoir s’il faut embarquer c’est trente ans  à rêver
Mais combien de chiens ?
Un jour goudronneux par les nuages autant que sur les grues
Un jour à tresser de la corde, à rechercher pour usage interne les armes cachées
J’irai au Havre. Je demanderai si l’on a vraiment atteint l’hiver
Si oui, je chercherai la bonne vague.                                                                                         
Allons, dit l’homme au chien, gardez un pied sur le quai
Regardez ce qui roule entre ciel et estuaire
N’est-ce pas plus fort, chaque jour un regard, chaque jour un départ ? 

 

 

© jpr 25 décembre 2012

22 décembre 2012

Adieu toi-moi

 

 

 

Adieu toi-moi qui regardes la rivière en écoutant du Satie
Ce qu’apporte la poésie dans le paysage, flotte au gré des courants sur la Seine
J’aime ces images gravées, ces dessins de Doré, où je vous reconnais
J’aime entrer dans les décors, retrouver toute époque et mon chien revenu
La berge me suffit pour une métaphore de la vie
Marcher sur la rive et observer le fleuve, vivre dévisager la vie sans s’y comprendre vraiment
Ici l’on desserre les étreintes, celle du temps aussi, toutes époques confondues
Ainsi restent la séduction la mort petite et grande l’adieu la longue course ensemble vers la lumière du jour
Ainsi toutes mains tendues, le mendiant, le mourant, l’amant réclament encore un sou, un instant, un amour
Adieu toi-moi qui écoutes du Satie toutes les pensées se rejoignent à l’exil
Ce qu’emportent les heures je le retrouve intact dès que vient cette musique

 

 

 

© jpr 22 décembre 2012

 

Publicité
Publicité
21 décembre 2012

C'était bien

C’était bien.
Il y avait des femmes et des hommes
Ils allaient leur chemin
Simplement, avec leurs habitudes
Avec leur soucis, avec leur joie
Avec leur fraternité
C’était bien
Un pays attentif et solidaire
Plein d’émotion

C’était bien

Maintenant depuis les trains, je vois passer le paysage
Les forêts, les villages, les maisons de granit
A chaque passage, à chaque aiguillage
Je pense à toi, je pense à vous.

 

 

20 décembre 2012

Guérir de l’ennui

 

 

 

On peut, avec une simple limace, guérir de l’ennui
C’est simple, mais il faut réunir avec soin les ingrédients :
Une limace, une lune montante, une épaule gauche, l’ennui, un béret
A la lune montante, donc, il s’agit de frotter l’ennui
Avec la limace.
Si vous ne savez pas de quel côté se trouve votre ennui
Posez l’animal sur votre menton
La face de limace avec laquelle on frotte n’a pas d’importance
La limace s’en fout, l’ennui n’a guère de sens, non plus que le béret
Jetez ensuite la limace par-dessus votre épaule gauche.
Surtout, ne regardez pas où elle tombe
Parfois elle tombe sur des gens. On l’entend.
Parfois elle tombe à plat, ça se voit
Vous ne regardez pas.
Désormais, vous êtes sur la voie de la guérison
N’avez-vous pas, durant cette manœuvre, oublié de vous ennuyer ?
Il reste sur votre tête, le béret. Enfoncez-le profondément.
Vous croiserez sur votre route des gens. 
Sans doute sont-ils en train d’apprendre à rire
en voyant passer un type à béret.
Saluez-les, civilement.

 

 

 

 

© jpr 20 décembre 2012

 

18 décembre 2012

Un poète secret

 

 

Vous êtes sorti du lycée après votre cours de grammaire ancienne
Vous avez remonté à pied le boulevard vers le marchand de journaux
Une fois de plus, il vous a dit que rien ne presse
Vous avez acheté le Canard et su, à palper le papier, la force des mots croisés
Vous-vous êtes assis à la terrasse du café pour commander
Vous êtes un poète secret mais personne ne le sait, c’est votre force et votre tourment
Lorsque vous signez la nappe au restaurant, on vous fait payer le nettoyage avec rictus
Lorsque vous traversez la rue, vous devez prendre garde aux autos qui vous ignorent
Pourtant, lorsque nous lisons vos poèmes, nous avons des émotions secrètes
Nous portons des larmes cachées, des bouffées discrètes d’espoir et, l’on m’a dit, d’émoi
Un jour, vous sortirez de l’anonymat pour devenir vous-même, sur la scène d’un théâtre du vingtième.
Il n’y aura qu’une poursuite blanche sur votre silhouette, la poussière y jouera avec l’ombre
Quelques spectateurs seulement resteront (les autres s’excusent, ils n’ont pas pu)
Ce sont autant d’amis, silencieux parmi vos textes et bien saisis du paradoxe :
entre écrire à l’abri du public et l’urgence de dire, ce n’est pas celui qui écrit qui peut choisir.   

 

 

© jpr 18 décembre 2012

17 décembre 2012

Menottes aux pains

 

 

Menottes aux mains, le boulanger fait moins le malin
Aussi, du pain au feu de bois, en pleine prohibition
Quand on en fait de l’électrique !
Du bon pain atomique, qui ne pollue que deux fois
Une fois cent ans lorsque tout saute
Une fois vingt mille  (si accident majeur seulement)
Il rejoindra dans leur cellule tous les mitrons
Les vendeurs de pizza sur la place
Les ouvriers brûleurs de palette
Les Kaiowa, les Nandeva et les Mbya
Que l’ironie me tue à petit feu
La Terre en faits divers
Oh, Guarani, la Terre sans mal ?
Sans feu, sans homme, paradis vert.

 

 

 

© jpr 17 décembre 2012

16 décembre 2012

Le fendeur de bûches

 

 

Faites pousser l’arbre longtemps
Faites tirer la charrette par un postier breton à la robe rouanne
Rendez-vous au matin dans la forêt avec la charrette
A la hache, faites tomber l’arbre, travaillez tout le jour
Regardez autour de vous la brume, il est temps de rentrer
Saluez au loin tous ceux de l’affouage
Sciez, coupez, fendez, rangez
Faites sécher le bois durant deux ans
Un an au dehors
Un an à l’abri
Pendant ce temps, plantez un nouvel arbre
Un acacia, un hêtre, un chêne vert
Avec le passe-partout, débitez les planches
Nouez les planches avec de solides cordes
Montez ainsi votre cabane
Bouchonnez le cheval, débouchez le vin
Buvez le vin
Voici la nuit qui vient. Sous le chien de feu posez quelques brindilles
Sur les brindilles des branchettes, puis des bûchettes
Une bûche enfin.  
Flamme claire
Châtaignes et pommes de terre dans le chenet creux
Voici que l’on frappe à l’huis
Qui frappe donc à l’huis, ce soir ?
Le contrôleur des âtres !
Entre, cousin, bon accueil, bon accueil !
Ah, c’est un foyer ouvert que je vois là !
Mais oui, mais oui, cousin
Viens donc t’asseoir, rompre le pain, boire le vin
Dans le cantou, sur l’archabanc
Jamais, il faut de suite que je verbalise
Votre cheminée n’est pas conforme
Vous nous mettez tous en danger

Autour de la branche passez la corde
Arrosez bien la terre
Faites pousser l’arbre longtemps
D’ici quinze ans vous saurez vite  vous dépendre
Et puis vous faire aux nouveaux temps
Ni feux ouverts, ni graines au vent, ni l’eau des sources
Alignement.  

 

 

 

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité