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Poésie par la fenêtre
30 novembre 2012

Trois minutes, oui

L’immortalité ?
Ah, non, je n’y suis pas prêt
Trois minutes, oui
L’une pour saisir l’urgence dans un pot de crayons
Pour courir les yeux fermés à la fontaine de Mazeirat
Pour passer vous voir et vous trouver à table
Cette première minute à vous dire la lueur, les routes mouillées
À retrouver ton portrait et donc ton sourire
À reprendre notre conversation

L’immortalité, je n’y suis pas prêt
La seconde minute
Indolente suspendue dans la canopée
Elle emprunte soudain le contour des vallées
Elle voit au loin la montagne d'Ecosse, nos marches lentes
Elle voit l’eau des lacs
Elle arrive en Italie par le Mont-Cenis
Sa luge nous porte au-dessus de Venise, vers Parme
Elle nous dépose devant l’Alma Mater, à Bologne

L’immortalité, je n’y suis pas
La dernière minute sans me retourner
Riche des pages lues, des pages blanches
Riche des amours, riche des mots tendres
Riche d’un baiser sur ta tempe
La dernière minute, l’entrée du train en gare
Les amants sur le quai, les souffles retrouvés
Avant, juste avant que leurs bras se referment

L’immortalité
Trois secondes encore, oui. 

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29 novembre 2012

La vague, heureusement

 

 

 

Heureusement il y a la vague
Vois-tu la tienne, sur quel rivage ?
Depuis qu’enfant les lèvres bleues au froid d’été
Tu reviens vers la plage
Et grelottes par le bonheur
Et grelottes par le petit effroi du sable, des galets des coquillages
Retirés par la mer entre tes doigts de pied


Heureusement il y a la forêt
Vois-tu la tienne, quel paysage ?
Depuis qu’enfant tu t’y caches
Et te réchauffes par le bonheur des souffles tièdes
Et te réchauffes par le petit effroi d’être  deux
Seulement deux


Heureusement il  y a la neige
Vois-tu la tienne, comprends-tu ce passage ?
Depuis qu’enfant tu la retiens les gants mouillés
Elle se réchauffe et puis t’échappe


Heureusement, il y a la roche
Vois-tu la tienne plus loin que l’âge ?
Ce qui grelotte, ce qui réchauffe ?
Ce qui se cache, ce qui comprend ?
Ce qui s’en va et restera ?

 

 

© jpr 29 novembre 2012

28 novembre 2012

Pince à mots

Serait la pince à mots
Serait la machine à résoudre le monde en couleurs
Voici saisis mes compagnons de voyage
Figurines désormais sur leurs banquettes
Ombres que colorent les encres
Ennui en pâte d'acier
Désespoir carrelé avec ses enduits aux mouillures de trottoir
Echappée du Gris
 Ma voisine aux ongles peints
Souffles d'aurore sur mer calme
La colorent aux bonnes places
Sa pensée ses lèvres et ses conquêtes
Elle a de ces miroirs pour se reconnaître
Et suivre mon regard trop précis sur ses nuances rousses

 

 

 

 

27 novembre 2012

Traître-mot

 

 

 

 

Traître-mot
Planche pourrie
Faux-amis
Soumission
Aux formes
Proactif
Mon oeil
Comme une langue
Libérale et molle

Novlangue

Termites à l'assaut

Langues de bois

Vermoulues

Grammaire des pouvoirs

 

 

 

© jpr 27 novembre 2012

25 novembre 2012

La kroazell en biais

Bugel
Kroazell démise je fus à Rosren par le tren
Accompagné de ma mamm-gozh
Le bloneg et le pelotage
De l’aozer me l’ont remise droite
Je ne sais à quel priz
Une boutailh de gwin-ardant au moins                                                     
J’entendis sonner l’arc’hant
Le paotr sur le pas de la porte
A dit
« Si la kroazell se déboite encore je ne pourrai plus rien »
Le train, l’aozer et la mamm-gozh sont partis maintenant

Il n’y avait pas que du bloneg
Il y avait des louzaouenn fall et un peu de linad bras
Et aussi des komsou  et un peu de bugulgan
Si ma kroazell se déboite encore
Diwall, c’est pour toujours !
Les gwersed sont partis, les komsou perdus!
Ne laissez pas filer le paotr-kozh avec l’istor de votre buhez.

 

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22 novembre 2012

Précision

                        

 

 

 

 

Je reviens à moi chaque matin couvert de cendres
Est-ce la maladie du peintre ?
Est-ce sa récompense ?
Je reviens avec un compas,une loupe 
Je reviens avec des outils de coupe
Ce qui était diffus se précise
Ce qui était profus est unité
Je reviens à moi avec des angles, des coins, des lignes
Le métro aérien traverse la Seine et pénètre Austerlitz
Les passagers s’ignorent et se recherchent
Mais les formes contiennent tous ces fragments de peur, de désir
La vie entière qu’un battement de cil enferme
Impossible désormais de dessiner le monde
Sans y voir toujours l'homme passer
Avec ses incendies

 

 

 

© jpr 22 novembre 2012

 

 

 

21 novembre 2012

Voici.

 

 

 

              Il a des poèmes, de la monnaie dans les poches
              Des rondelles de huit, des bouts de ficelle
              Il a des poèmes, un couteau de Pradel
              Il a tout le bordel qu’on lui a mis
              Il arrive bientôt au bout de sa peine
              A balancer du lest, à rompre, à s’interrompre
              A trier le bon grain pour s’élever enfin

              Il a des poèmes, des chrysanthèmes
              Des souvenirs de nicotine
              Tout ce qu’il faut pour caler les tables
              Pour boucher un peu les fuites
              Un clou pour la photo des mariages
              Et des ombres

              C’est un vélo ancien avec de vieilles sacoches
              Ton copain de mal aux cheveux
              Le voyageur d’en face et qui t’aime

              Il suit ses poèmes comme ils suivent le chemin
              Jusqu’au prochain carrefour et jamais plus loin

              Voici le bord du monde

 

 

 

 

© jpr 21 novembre 2012

 

19 novembre 2012

Aux pages blanches

 

 

Je ne reproche rien aux pages blanches
Elles m’évitent ta silhouette entre les lignes
Dans l’épaisseur du trait se cache
Ce temps 
Je ne reproche rien aux pages blanches
Elles me détournent de la Loire
Ses paysages me soutiennent qu’un jour nous étions
Ensemble
Tous deux sur la levée
A ma mémoire je ne reproche rien
L’oubli c’est mieux qu’une dentelle noire
C’est mieux l’oubli que le bijou qui s’y perdait
Mieux, l’oubli, c’est une porte entrouverte
Entre la chambre et l’escalier
Tous ceux qui l’ont poussée, un jour, savent
Je ne reproche rien aux pages blanches
Elles m’évitent le mot « train »
Elles m’évitent de prononcer « dimanche »
Dimanche, l’hôtel en bord de Loire
Le paysage (ses chants et les roseaux) par la fenêtre
Le retour en train
Aux pages blanches j’oublie même Montparnasse
Pigeons perdus entre les pas, retour.

 

 

© jpr 19 novembre 2012

 

18 novembre 2012

Pauvre dimanche avec feuilles

C’est peut-être un pauvre  dimanche
Avec des feuilles sur les branches
Pauvre chocolat sur la terrasse
A Portmerion
C’est peut-être une pauvre  page
Le facteur a oublié décembre
Son  calendrier menteur a laissé
Tout l’hiver s’étendre on rentre en ville
L’hiver a bon dos c’est juste
Qu’on n'est plus d’accord
L’hiver
Même plus d’accord
Sur le niveau de la mer

C’est peut-être une pauvre promenade
Avec la pluie la pluie toute la vie
Pauvre baiser sur l’esquif
Sur Portmerion
C’est peut-être un pauvre récif
Le facteur s’est trompé d’horaire
Dans sa tournée a laissé tout l’hiver
S’étendre tout immobile
L’hiver a chargé la rivière
De nous rouler
L’hiver
De nous noyer
Dans les silences amers

C’est peut-être une pauvre étincelle
Trop froissés trop froid c’est querelle
Pauvre entre toi et moi pauvre d'émoi
Sur Portmerion
C’est peut-être sans rattrapage
Le facteur s’est trompé d'étage
Pas un mot  détourné dans sa tournée 
Tout l’hiver s’étendre on marche en ville
L’hiver on s’en va seul sur le bord des vitrines

L’hiver
On s’en va seul sur nos reflets d’hier

C’est peut-être les jours sans lumière
Quand la nuit la nuit poursuit la nuit
Pauvre soleil pâle pauvre fanal
Sur Portmerion
C’est peut-être après l’orage
Le facteur trempé sous  l’averse
Distribue ses marque-pages
Dans la nuit sur la rivière
S’étendre où est la ville
L’hiver
Dans les silences nos reflets d’hier
L’hiver
On s’en va seul sous le niveau de la mer

 

© jpr 18 novembre 2012

 

 

17 novembre 2012

Maginot line (8b+/8c)

À Patrick Edlinger (1960-2012)

 

    

Les Alpes debout et couvertes de neige
Le Fils, ainsi nommé par antiphrase
Sommet le plus élevé, le Père de tous les autres
Pétrarque, Pétrarque au mont Ventoux

 Tensing Norgay
Né quelque part mais pas au Tibet
Car on ne nait pas au Tibet
Premier peut-être, mais pas premier
Car on ne dépasse pas

 Expédition cordée
Herzog
Camp de base
Lachenal
Approche
Lionel Terray
Je savais que mes pieds gelaient

 Loin des cathédrales
Loin des voies sacrées
La vie du rêve au bout des doigts
Patrick Edlinger
Le sage est toujours prêt
Et me libère
Avec le poète
Le seul bien
Vrai, certain, immuable
Adieu.

 

 

© jpr 17 novembre 2012

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