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Poésie par la fenêtre

13 juin 2013

Portrait primaire

Je suis né à Seveso
J’ai grandi à Tchernobyl
J’ai bercé un bébé Morhange
Je suis du café à la patate et du thé au gland
Je suis un poisson à la mélamine
Je suis du lait pour les enfants du Gabon, de Birmanie, du Yemen
Je suis un bloc de viande de cheval
Je suis un rince-cochon à l’hexachlorophène
J’ai eu des enfants à Minamata
Je suis, je suis…

- Mal barré ?

Mais non imbécile, je suis le profit
Je vais très bien, je vais très bien
Je suis dans le soja des poulets
Je suis une vache folle
Je suis la tremblante du mouton
Je suis un poisson transsexuel
Je suis en phénylbutazone
Je suis en parabène
Je suis un petit cochon sans dents et sans queue
Je suis cinq mille truies dans l'océan de lisier
Je suis, je suis

- Dégueulasse ?

Mais non, imbécile, je suis le profit
Je suis respecté
Pas toi ?

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13 juin 2013

Départ

Ça commence par une route entre chien et loup. L’homme au volant reste dans l’ombre le temps de quitter la campagne par une série de virages humides et de sous-bois qui restent inquiétants vers six heures du matin, malgré l’été. A l’arrivée en ville, peu de changement, le profil se fait plus net et l’on croit reconnaître celui qui conduit, mais ce n’est qu’une illusion.
Elle attend devant l’arrêt d’autobus avec une petite valise d’un modèle très ancien, tel qu’il peut s’en trouver dans tous les  films sur la guerre d’Algérie.
C’est une femme de province et elle s’enfuira bientôt en  voiture blanche.
Il y a un feu, c’est stupide, dans la ville vide. L’auto est arrêtée en attendant. Un rat mouillé traverse dans les clous puis s‘enfuit par le caniveau.Ensuite, chacun voudrait que la femme monte enfin dans l’auto. Elle regarderait le conducteur et nous serions son regard posé dans les yeux gris du chauffeur. Conscients de leur bonheur, ou de leur audace, ils ne risqueraient aucun mot et chacun comprendrait… 
Cela ne sera pas : il fut dit que sa fuite se ferait en auto blanche. L’homme roule en 403 commerciale de couleur vert pomme. Le voici qui s’éloigne vers Vierzon après avoir mis sa flèche à gauche.
La femme de province attend devant l’arrêt d’autobus. Maintenant, elle a posé la valise devant elle, parallèle au trottoir. Elle se tient très droite, absolument immobile.
Il y a quatre mouvements dans cette sonate à Kreutzer, mais nous disposons uniquement du premier qui illustre ce passage. Les autres nous auraient livré la suite de l’histoire. Hélas, il faut nous résoudre à reprendre au début, sans fin. 
Ça commence, donc, par une route entre chien et loup.
A 2’23, la musique semble se conclure et parfois, on peut aller chercher des cacahuètes ou quelque chose dans le frigo pour recommencer la lecture dans de bonnes conditions.
Attention toutefois, il se peut que la femme profite de ce relâchement pour quitter la scène.

 

Leos Janacek. Quatuor N°1 Sonate à Kreutzer   http://www.deezer.com/fr/track/7783346     E 

 

11 juin 2013

Le bâillon

 

 

Si bien cherché, si bien rangé
Je suis revenu au début de la vie
Dans les bras d’une géante qui doit bien être
Maman!
Je pose la première question
Regardez s’esclaffe le monde
On dirait qu’il veut parler
Aussitôt collé au sein de la famille
J'attends toujours la réponse

 

© jpr 11 juin 2013

 

 

10 juin 2013

Rien vu

Aujourd’hui, mais je n’ai rien vu
Une mariée venue de l’Inde et son époux posant tous deux au Champ de Mars vers les huit heures, au frais
Mais je n’ai rien vu
Dans le métro une très vieille dame qui m’a salué comme un voisin et un ami
Je n’ai rien vu
Une souris suivie d’une autre sur le duvet d’un sans logis
Rien vu
Un petit chien plus endormi encore qu'hier faisant la manche à Saint-Lazare
J’AI FAIM
Vu
Une femme assise sur l’escalier et devant elle un bel enfant la main tendue
J’AI FAIM
Rien vu
Une campagne entre deux villes durant deux heures immobiles
On ramasse un ange écrasé sur la voie
Je n’ai rien vu
Le Taj Mahal au fond de mon potage, une japonaise nue dans un verre à sake, la vie qui monte l’escalier
Mais je n’ai rien vu
La vie qui monte l’escalier sans respirer sur le palier
sur le palier sans respirer la vie qui monte l’escalier
Aujourd’hui ? Mais
Je n’ai rien vu

 

 

 

© jpr 10 juin 2013

9 juin 2013

l'express du Havre

Roulent sur la fenêtre mes pensées d’automne
Faut-il croire les mensonges du jour
Ils ne passeront pas, on la retrouvera
Voici j’entends, il est exact, j’entends, il vient il file
Il est au loin déjà
La brute du matin l’express du Havre
Je voudrais y monter et compter maritimes
Les gouttes de la pluie
Mantes reste assise dans cette grisaille
Chaque grain du paysage empêche qu’elles se posent
Mes pensées à l’automne, emportées par le train

 

 

 

© jpr 09 juin 2013

 

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8 juin 2013

L'ambulance

 

À F. tombé du ciel.

 

 

 

Je m’appelle encore C’était Franck dans l’ambulance rouge comme la ville de juin défile en éclats bleus sur les arbres du boulevard.
Je cherche l’air et d’entendre Ray Charles.
Le jour se termine Georgia, écoute le tour de clef.
Nomme-moi « C’était Franck » tout ce qui me ressemble dans ce bonhomme  m’effraie.
Ils m’ont trouvé traversé d’alcool ambassadeur du vide chaque souvenir est un tourment.
Le pompier me file des claques et me parle si fort cela me soulève du sol j’aperçois le sable la mer mes parents il me parle doucement, il comprend.
Je m’appelle C’était Franck devant les photos de famille chaque passant l’ignore, je suis lui désarticulé, il se tient aux murs pour franchir vite mon oubli.
Je m’appelle C’était Franck à la voix recuite d’amour tout ce que je touche réveille l’envie d’être pris dans les bras et dormir.

Toujours j’entends Georgia qui me garde en vie.

Mantes-la-Jolie tendue de noir les marronniers les squares et les boîtes de bière.
Ambulance rouge sans bruit sur la ligne droite entre les trottoirs les immeubles et la Seine
D’autres voient le vol de nuit d’oiseaux géants au-dessus du fleuve, vers le couchant.

 

 

 

© jpr 08 juin 2013

 

5 juin 2013

La vermine et le temps

Toutes les maisons vides un jour se vident
Leurs matrices expulsent le dernier souvenir
L’enfant mort vieux qui guettait son soupir
Les chevaux morts debout dans l’écurie
La malle-poste et le souffle d’un équipage
J’arrivai en chantant à la petite ferme
Jean me tenait l’épaule il nous restait du vin
La nuit il ne se passa rien
Cri de chouette, porte battante à la grange
Froid vif assez pour se recroqueviller
Toutes les maisons vides ont ce souffle tiède
Elles sentent le champignon
Nous sommes partis à l’aurore laissant nos corps
Nos corps dormir dans la paille
D’une maison à l’autre nous roulons avec le silence
Ce qui fait craquer le bois c’est la vermine et le temps.

 

 

© jpr 05 juin 2013

3 juin 2013

Jour-né

 

 

 

 

 

Naissance malaisée un jour de conscience
On nait homme
Je le pressentais
Aucun miroir pourtant, rien ne révèle
Je le sais
On nait seul un jour de conscience
Mes amis ont la terreur d’eux-mêmes
Ils vieillissent ce qu’ils touchent
Pour ne pas vieillir
Ils crachent sur les pommes
Ils aiment à tâtons
Ce qui reste à leur portée
On nait mort de se connaître
Ils salissent ce qu’ils peuvent et s’apprennent
A disparaître

 

 

 

 

© jpr 03 juin 2013

2 juin 2013

Révélation

 

 

Réveille-toi sans voir tout en bleu
Sache le poids des collines
Sache le poids de la route en lacets
Dieu sait les pensées de la fille à tes côtés
Elle dort
Concentre-toi sur la route
Le monde est bleu c’est vrai jusqu’à la ligne
Il me plait il me plait de te savoir passé ici
Il y a deux heures au plus
Ton dernier mot
Je le demande à mon père, « l’as-tu entendu ? »
Rien, à son habitude, il n’a rien su rien vu
Réveille-toi sans voir le bleu courir ta veine
Réveille-toi
Tes mots oui c’est vrai seront les seuls à partir d’ici
Regarde la fille pose les lèvres sur sa tempe
Dieu sait le goût des matins de juin
Ce serait pitié de le laisser filer sans te dire
Sans rien te révéler

 

© jpr 01 juin 2013

31 mai 2013

L'ombre à chien

 

 

 

A la prochaine vie je serai punk à chien
Le clébard, un croisé malamute, m’appellera Nickie
Je lancerai la mode des silences perforants qui traversent l’oreille
Tout ce que l’on refuse de voir se piquera dans nos yeux
Mon sang maquillera le reste du visage
Tu me reconnaitras à mon sourire cousu
Volutions, punk corinthien au sommet des colonnes
A la prochaine vie je serai punk ou rien
Ou rien sicut umbra

 

 

 

© jpr 31 mai 2013

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