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Poésie par la fenêtre
29 juillet 2013

Apprendre l'inquiétude

Pour vous, la pleine nuit en forêt, c’est peut-être déjà la pire des horreurs. Vous n’auriez pas aimé nous accompagner. Il est vrai que cette nuit du 04 août était particulière, avec ses nuages en longues trainées effilochées qui passaient devant la lune et nous laissaient dans l’obscurité totale ou disparaissaient pour nous laisser dans la lueur défunte. Après les orages de la journée, des brumes montaient des vallées comme d’autant de marais. Nous étions cernés par le silence, il n’acceptait de s’ouvrir que pour un éclat de lune. C’est ainsi que l’on chemine, sans doute, dans les limbes. Pour vous qui avez peur la nuit dans le moindre bosquet, l’immense massif forestier dans lequel nous étions ne vous aurait pas rassuré. Les cris de chouette quand on est terrorisé sont uniquement un rappel de votre solitude : c’est sans danger. Entendre courir, brusquement dans le sous-bois, devant ou derrière vous, au loin ou beaucoup plus près, ce peut-être très désagréable, mais vous pouvez penser à un sanglier, deux sanglier, une harde.

Nous, nous pensions à un monde déterminé à nous nuire et nous savions que cette détermination n’était que de la logique de marché traduite en répression. Etait-ce une volonté, ou même un complot qui faisait marcher les tueurs ou le contrat était-il conclu entre la machine et l’homme lorsque la machine par des additions de 1 et de 0 considérait que tel ou tel nuisait à ses raisons ?

Bourras avait terminé son repas en citant des affaires récentes de disparitions inquiétantes, en nous demandant si nous avions repéré  un visage ou l’autre sur les photos qu’il avait fini par sortir.

Effectivement, deux ou trois visages nous avaient plus que d’autres attirés. Peut-être avions-nous croisé ces visages ou peut-être que non. Qui pourrait dire avec certitude : « je connais ces lunettes », « cette démarche m’est familière », « cet homme a demandé du feu » juste devant moi…Cet homme-là, dans la foule, pas un autre.

Parfois on repère un regard, des yeux croisent nos yeux, une démarche nous captive ou une beauté, homme ou femme, un trait particulier. Saurions-nous les décrire ? Lorsqu’il s’agit de professionnels, qui savent se confondre avec le paysage, comment pourrions-nous les repérer ? Faites l’expérience suivante à une heure d’affluence moyenne : entrez dans un wagon de métro en regardant le sol. Levez le nez et faites un panoramique. Replongez le nez vers le sol. Maintenant, répondez honnêtement : combien de femmes, combien d’hommes, quelqu’un téléphonait-il ? Pouvez-vous dire combien il y avait de chapeaux ? Votre meilleure amie aurait-elle pu être sur une des banquettes, vous tournant le dos, sans que vous la reconnaissiez ?

Bourras étala cinq photos devant nous. La première, c’était Mélina Mercouri elle lui permit de capter notre attention. Les quatre autres, trois hommes et une femme n’avaient rien d’exceptionnel, sauf peut-être un rien qui nous échappait, que nous étions incapables de décrire, mais qui pesait très lourd. Au fond.

 

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