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Poésie par la fenêtre
21 juillet 2013

Ils braquent les salades montées

Pour vivre sans changer sa façon d’être malgré les menaces, il faut être inconscient ou s’être déjà organisé pour survivre. Ou peut-être faut-il avoir déjà fait l’expérience de la mort. Celle des autres, ce n’est pas suffisant. Je parle de la mort d’une partie de vous-même. Combien de temps faut-il pour transformer l’horreur du vide en douce absence ?

Andréas et Jean-Marie devaient rouler entre ombre et soleil, seuls sur la route, heureux du moment, conscients du moment. Où étaient à présent les étudiants du 17 novembre ?

Les autres, sous le tilleul ou dans la maison parlaient et jouaient aux dés. Il y avait deux discussions, différentes et qui portaient le même souci.

-       Ne pas être trahi, être un peuple majeur, qui décide pour lui-même…
Anatolios lança les dés :

-        C’est la seule question, la place que l’on fait au peuple après lui avoir laissé croire qu’il était libre de choisir

-       On a chassé la junte, on a reconstruit le monde. C’est le peuple qui décide !

Adrian regarda Manolis et Manolis lui rendit son sourire

-       Observe bien Adrian. Je lance les dés. Je dis ce sera un 6 et il arrive un 5 ou un 4. Alors devant le peuple j’affirme qu’il faut poursuivre l’effort et j’affirme que pour vaincre enfin, le peuple doit me suivre. Alors, je lance à nouveau le dé…

-       Et ?

-       Et le peuple m’acclame, forcément. Quoi qu’il arrive, je l’ai prévu.

-       Manolis, tu n’es pas un démocrate !

-       Qui l’est vraiment mon frère? Tous ces bien nourris jouent aux dés sur nos têtes et prétendent maîtriser notre sort…

Nicias venait de rentrer dans la maison :

-       Je crois ce que tu dis, mais je ne sais pas faire autrement, convaincre, gagner une voix, une autre encore. Laisser monter l’envie pour secouer le monde, par le monde. Ce n’est pas le peuple qui décide qu’il décide. C’est une faute de trop sur le tableau des vergognes (elle voulait dire honte), c’est un bateau qui doit livrer le grain et qui est  vide en entrant au port. C’est un regard de travers entre un policier et un passant, d’autre qui observent, personne des deux ne veut baisser le regard. Pourquoi ce jour là, le policier bouscule le passant, le passant tombe, la foule déchire le policier ?

-       Deux as ! Je gagne et je rafle les haricots !

Anatolios se leva. Au même instant, l’Inspecteur Bourras s’encadrait dans la porte. Dans le jardin, leur arme de service au poing, deux de ses hommes gardaient nerveusement les pommiers, quelques salades montées et des vaches, au loin. Devant la maison trois de leurs collègues s’étaient embusqués de part et d’autre de la route.

-       Akis Loliakos, vous vous souvenez ?

Tous s’étaient tournés vers Bourras…

-       Vous, là, Eli, le Grec d’adoption, vous vous souvenez d’Akis Loliakos ?

Il jeta une photo à mes pieds. Je pris le temps pour la ramasser, la retourner. Je savais ce qu’elle pouvait montrer.

-       Encore une pièce de boucherie ? Ca ne m’intéresse pas. Et eux non plus – je montrai dans le vague, l’ensemble des Grecs-, ça ne peut pas les intéresser…

Bourras s’était assis dans le canapé. Il nous tournait le dos et faisait de grands gestes

-       Akis Loliakos avait obtenu l’amnistie pour avoir livré quelques noms utiles. L’amnistie et l’asile politique en France. Maintenant, il est mort, grand désordre !

Vous, vous êtes toujours vivants et vous savez qui l’a tué. Au moins une personne ici sait qui sera le prochain.

Anna parla la première :

-       Je propose de boire un verre à la santé de ceux qui ont liquidé ce porc. Et, je me demande, commissaire, si nous ne ferions pas aussi bien qu’eux, en tuant le suivant…

Bourras ne releva pas le propos. Il avait une expression pour toutes les circonstances et c’était toujours la même, une façon de vous regarder qui, à la fois vous mettait à l’aise, comme de voir quelqu’un de simple, facile à lire et à comprendre…Qui à la fois vous mettait à l’aise et au même instant vous vrillait de la tête au pied, comme de voir quelqu’un qui lit simplement en vous totalement, même et surtout vos pensées cachées et ce que vous pensez à l’instant de lui. Sale con. Sale flic.

-       Je ne suis pas commissaire, je suis l’inspecteur Bourras. Ici, autour de vous, dans les villages et au chef lieu du département, c’est ce que j’ai appris à l’école, il y a une préfecture. A la préfecture, il y a madame la préfète, épouse de monsieur le Préfet. Elle attendra longtemps son époux, aujourd’hui, et aussi leur invité, le colonel de la gendarmerie, elle l’attendra longtemps. Les gendarmes, ce sont les gendarmes qui s’occupent des affaires de poules volées, de larcins, d’ivresse sur la voie publique et de terrorisme. A quelques virages d’ici, il y a un virage à droite, puis un virage à gauche, puis un drôle de tournant, qui va tout droit dans un fossé. Dans le fossé, il y a deux mobylettes en mauvais état, on les a brûlées. Sur l’une des mobylettes, c’est pour cela que madame la préfète va attendre, il y a comme un homme recroquevillé, tout noir, tout grillé, absolument décidé à ne pas dire son nom avant le résultat de l’autopsie. 

 

 

 

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