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Poésie par la fenêtre
23 juillet 2013

Du pigeon aux cèpes

Bourras quitta la pièce aussi soudainement qu’il y était entré. Nous le vîmes s’éloigner cette fois sans hâte, observant le jardin, essayant de faire tourner une vieille girouette en forme de piaf. Il alla même jusqu’à soulever le couvercle de la boîte aux lettres où nichent des oiseaux. Des mésanges, je crois…

Heureusement pour la nichée, un de ses hommes, le major Lanne, l’appelait de l’autre côte de la route.

-       Chef, chef, venez voir, vite

Tous les policiers convergèrent vers leur collègue. Lorsqu’il fut près de Bourras, Lanne ouvrit le sac qu’il portait précieusement :

-       Chef, des cèpes! Ils sont magnifiques !

-       Imbécile, lança Bourras, tais-toi, et montre moi où tu les as trouvés, manquerai plus que les gens d’ici découvrent nos coins.

 Il s’enfonça dans les bois avec Lanne. 

Chez les Grecs, en revanche, personne n’était d’humeur à plaisanter. Cependant, l’annonce de Bourras avait été si énorme, si directe, si brutale que nul ne pouvait imaginer que Jean-Marie soit l’homme retrouvé carbonisé. On ne l’expliquait pas, on ne pouvait évidemment pas le prouver, mais, bien sûr, ce n’était pas Jean-Marie. Même s’ils le redoutaient, même si rien de rationnel ne pouvait les rassurer, ils se montraient confiants. C’est exactement cela : ils jouaient la confiance les uns pour les autres.

Adrian osa le premier :

-       Tout le monde est inquiet, mais le cadavre sur la mobylette, ça n’est pas ton frère, Achille. Une mise en scène, un trucage. Ce Bourras le sait. Il balance son petit pétard, puis il va tranquillement aux champignons ?  Invraisemblable ! Même le flic le plus foutraque …

-       Tu as raison, Adrian. Bourras nous attend sur la route, ou peut-être qu’il observe la maison de loin, pour nous voir quitter les lieux, crevés de peur et la mort aux trousses.

Deux minutes plus tard, Anatolios était sur la route, aussitôt rejoint par tous les autres.
Goguenard, Bourras attendait le groupe, un gros cèpe dans chaque main :

-       Eh, Eh (il avait son expression universelle, à décoder en fonction du contexte) Eh, ils sont même pas véreux…

Anatolios lui coupa sèchement la parole :

-       Arrêtez votre ironie, inspecteur ! Qu’est-il arrivé à notre ami ?

-       Aaaah, fit Bourras, vous avez mis du temps à réagir.

-       C’est ignoble ce que vous faites !

-       Ooooh, mais il faut vous calmer. Eh, il n’y a pas mort d’homme ! Il y a pas mort d’homme. Il y a mort de salaud, grosse nuance. Votre copain, j’ai dans l’idée, qu’il est bien soigné, chez la mère Lanne. Voyez, on travaille en famille. Lanne trouve les cèpes, sa mère cache votre copain. C’est ainsi en Creuse, personne n’y va, personne ne connaît, mais la moitié de la Terre y a ses racines. Regardez, moi, j’ai la mère de Lanne, et je ne le savais même pas. Une chose tout de même. Il y a des compatriotes à vous qui zigouillent des anciens du régime et des agents américains. Les services secrets de trois pays au moins vous  cherchent, sans compter moi-même, qui ne suis pas secret et qui vous ai trouvé. Vous, vous êtes les gentils Grecs. Mais parmi les autres, les méchants, il y en a qui vous en veulent beaucoup. Ce n’est pas à cause des cochonneries que vous leur balancez, non, c’est lorsque vous les balancez, eux, à la justice, qu’ils commencent à avoir mal au dents et l’envie de mordre.

-       Ce sera tout, monsieur Bourras ? Anna le toisait à son tour…

-       Euhhh, les petits militants, ça vous embête toujours quand on ne vous prend pas au sérieux. Moi, pourtant, j’aime bien ce que vous faites.

-       Ta gueule, flic ! Anna s’était rapprochée jusqu’à lui cracher sa colère en pleine figure

Ni le ton ni l’expression de Bourras n’avaient changé. Il dévisagea Anna, regarda les courbes que faisait son corps, dessina, sans la toucher, comme une caresse sur ses vêtements.

-       Ne vous méprenez pas. Moi, je ne vous ferai jamais aucun mal…Ne confondez pas un flic de la République, même un peu bizarre, et les types que vous avez connu, en face de vous, en septembre 73.

Ni son expression, ni l’inflexion de sa voix n’avaient changé pourtant, nous avions tous reculé, simplement, dans nos esprits, changé, à son propos, de point de vue.

-       Ce qui est inquiétant aujourd’hui, c’est que la CIA et le MI16 soient encore à vous chercher et qu’ils n’aient pas réussi à vous trouver. Ce n’est simplement pas pensable. Ce qui est étonnant c’est que les autres Grecs, ceux qui tuent les méchants, n’aient pas encore jugé utile de vous contacter. Ce qui est franchement cocasse, c’est que l’un d’entre vous ment à tous les autres et renseigne à peu près tout le monde, j’en suis certain. Enfin, quelqu’un a tué l’un de vos ennemis, puis il l’a fait cuire, bon débarras. En somme, le premier, de la CIA, l’a vu, le second, du MI16, l’a attrapé, le troisième, services Grecs, lui a sûrement un peu tiré dessus. Le quatrième, l’a fait brûler ou alors, il a tout machiné, pour tromper son monde. Que fait le petit Bourras ? Il flaire le plat, flaire le plat. Jusqu’à trouver.

 

 

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Commentaires
F
Bourras sait-il qu'il prend des risques à ramasser les cèpes ? Des fois, à ce qu'on dit, on y trouve des vipères, enroulées autour des pieds; ça pardonne pas plus, toujours à ce qu'on dit, qu'un 220 swift entre les oreilles. Ce que j'en dis...
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