Carnet des peurs
Tu ne peux pas craindre ta propre disparition
Le rosier devant ta porte n’en fleurira pas moins
Tu devrais dessiner tes peurs exactes sur un carnet noir
Ainsi la peur de voir changer la place des Vosges
Un matin parce qu’il pleut
Tout ce qui suit
Peur de te tromper de rue
De rue, cette rue, ma rue ?
De ville, dans ta ville abolie
Peur d’entendre ta mère t’appeler monsieur
Peur de ne pas reconnaître ta peur dans la glace
Peur de ne plus savoir franchir un seuil
Peur de voir ta mère partir en riant
A l’hôpital de fête foraine
Pense à planter un rosier devant ta porte
Rares roses au parfum tenace
Pense à te griffer à ce rosier
Pense à porter sur ton cœur
Une rose de ce rosier
Des pétales froissés dans ta poche
Pour montrer aux passants quand tu t’égares
Peur de l’enfant qui t’accompagne
Soudain, qui te prend par la main
Perdu sur le chemin de l’école
La boulangère a disparu
Voici la cloche qui sonne
La classe a dû commencer
Le bus vient de passer Vanves, Malakoff, Issy
Peur de ne pas remettre l’homme
Une rose à la boutonnière
Le bus l’emporte, tour de Paris
Il te regarde par la fenêtre
Peurs de carnet,
de balayure,
de caniveau.
© JPR 03 juillet 2012