L’attente, c’est la plaine du temps
Le regard porte loin
Souviens-toi des voyages
Le ludion dans sa bouteille va-et-vient sobrement
Parlure égarée sur la route
Tourne les pensées
Je ne suis pas un livre
Chaque page est vierge encore de tes remarques
Mais l’attente est la plaine du temps
L’écho ne revient pas
Le pommeau de la canne frappe contre la porte
Entends la voix de ta mère
Elle accouche à nouveau
L’enfant viendra au monde une seconde fois
Ce sera toi coiffé de ta revanche
Mais la maison est dépassée par le temps
Ce que je perçois, l’oreille contre le bois
Ce sont les bruits de ta naissance ceux que tu viens d'oublier
L’odeur de famille vient avec la mémoire
Un civet, des fleurs et le parfum des morts embaument le jardin
Et puis cette silhouette referme la porte
Le puits renvoie de la lumière
Toutes les femmes s’y penchent
Mais leur reflet ne remonte pas
La tâche quotidienne les mèches en bourrasque
Le seau replonge avant leur geste
Porté par les usages
Chaînes autour du mandrin
La sueur sous le bras nu
Une robe légère à tous petits carreaux
Voilà, l’eau se reforme un visage
J’y cache mon trouble avec la plongée du seau
Nous y courrions ensemble
C’était le cache-cache
Ta voix montait aux arbres et je humais la tourbe
Pieds nus dans la clairière
Il est doux de tourner l'un contre l'autre
et de se fondre après
Ce qui s’ouvre et s’échancre
La toison découpée de nuit
Tout à l’heure à l’épreuve
Se borde de miel
(Avec la fin du jour
L’eau du puits, l’eau des sources, l’eau de l’étang
Lui sont une parole
Chanson douce des amours
Au creux de la maison
Ce ne sont pas des étoiles
C’est le froid par la fenêtre)
Et se serre contre son homme
Comme la pierre à la feuille s’oppose
La vie contre ses murs se heurte
Caillou sec, caillou vif et caillou d’angle
La vie contre ses murs se cherche des issues
ll reste à vêtir chaque pierre d’une tombée de laine
Et s’y poser la joue au coucher du soleil
Au fond de sa pupille tous les soleils semblables
Ont laissé voir où naissent les regrets
Encore cette naissance qui m’oblige
Dans l’œuf la veinule où palpite la vie
J’écrase la coquille
Il reste cette couleur je n’en suis pas coupable
Je voudrais m’asseoir ici
Vous m’aiderez à savoir si le jour se referme
Ou bien si c’est la nuit
Disparaître à mon terme entouré d’amitiés
Ou bien seul
J’espère le froid qui recouvre la pierre et s’étend aux carreaux
On s’y endort paisible
Tout chargé de souvenirs égaux
Ce sont des herbes à contrejour
Je ne serai pas dupe
Leur long talus pose la nuit sur ses ombres
On revient donc à la réalité
Qui voudra voir derrière, ou plus loin, c’est selon
Devra l’affronter seul ou bien se faire accompagner
Accompagné, se serait mieux de découvrir à deux
Ce que chacun ignore
La foi s’arrête à la Bordure
Mais le curieux regarde
Nous serons promeneurs à la rue foraine
Colorés de ballons et des pommes d’amour
Sans pouvoir y trouver le plaisir
Faute de réalité
Nous saurons où la parlure nous mène
J’entends bien la musique
Oh, j’entends
Mais je n’y puis entrer
L’œil à la fin prend cette tournure
Il enferme toute la fête
et s’éteint
Je ne peux y entrer
Prendras-tu ta mémoire à témoin
Pour y chercher un frère
Le casque d’un soldat
La couleur kaki qui se cache
Ou
La bouche-bée
Le sourire de la chenille
L’Inca
Sais-tu qu’il ne faut pas décrire
Sous peine de trouver ce qui dort chez toi
Si je t’écarte les paupières
Ce n’est pas pour t’éveiller
C’est pour entrer de force
La lumière dans ton rêve
Le pommeau de la canne frappe contre la porte
Mais non, ce ne sont pas des voix
Il n’y a personne ici
C’est vrai qu’il fait bien froid
Frappe encore
Ils ne reviendront pas
Ni ton premier regard
Et tout au fond de toi
Ni le chant qui te berça, une première fois
L’attente, c’est la plaine du temps
Le regard porte loin
Souviens-toi des voyages
Tourne les pensées
L’attente est la plaine du temps
L’écho ne revient pas